Une étude en éducation permanente de Charlotte Préat
Juin 2024
Dans notre société, les indicateurs de performance sont de plus en plus valorisés. Les démarches d’évaluation se multiplient. Et le secteur de l’Éducation relative à l’Environnement (ErE) n’y fait pas exception. Bénéfice ou risque ? Le Réseau IDée a réalisé une étude, afin d’alimenter la réflexion des professionnel·les du terrain.
Le Réseau IDée a choisi d’analyser les effets dits « éducatifs », c’est-à-dire observés sur les participant·es aux interventions d’ErE, afin d’alimenter la réflexion des professionnel·les et nourrir leurs pratiques de terrain.
Cette étude identifie, au niveau international, une série de recherches traitant spécifiquement des effets d’interventions en lien avec l’ErE (programmes éducatifs, séances de cours, leçons proposées dehors, etc.), sans cibler des types d’activités, de thématiques ou de publics particuliers, afin de conserver la richesse qui caractérise le secteur.
L’analyse synthétise les effets éducatifs identifiés et les principaux enseignements, puis se poursuit avec des recommandations concrètes pour les praticien·nes, présentées ci-dessous.
Plongez-vous dans l’étude complète ou retrouvez le résumé ci-dessous.
Charlotte Préat
Si la transmission de connaissances environnementales est un des objectifs visés par de nombreuses activités d’ErE, celles-ci ne doivent pas être purement théoriques ou naturalistes, mais aussi et surtout appliquées, c’est-à-dire liées à l’action. Ce sont ces dernières qui permettront aux participant·es, enfants ou adultes, d’identifier des actions à mettre en œuvre pour préserver l’environnement, et donc à adopter des comportements pro-environnementaux. Par exemple, outre l’explication du lien entre les concentrations de CO2 dans l’atmosphère et les changements climatiques, il est important d’aborder des solutions et alternatives concrètes pour réduire les émissions de CO2 au niveau individuel.
Les attitudes pro-environnementales (intentions d’agir en faveur de l’environnement) jouent un rôle dans la motivation à apprendre des connaissances environnementales, mais l’inverse n’est pas nécessairement vrai. En effet, acquérir des connaissances va de pair avec une éco-conscience (compréhension des grands enjeux), mais n’est pas synonyme d’une éco-affinité, ou d’une volonté d’adopter des comportements pro-environnementaux. Lors de la préparation d’activités d’ErE, plutôt que se demander « quelles connaissances transmettre à mon public ? », il faudrait donc se demander « comment faire changer les attitudes de mon public à l’égard de l’environnement ? ». L’acquisition de connaissances, notamment de manière autodidacte, en découlera par la suite. Dit autrement, il ne faut pas hésiter – comme c’est déjà souvent le cas – à aborder les représentations et attitudes des publics au démarrage de l’animation, et surtout à travailler sur celles-ci, par l’intermédiaire de débats ou de jeux de rôles par exemple, afin de les faire évoluer.
Passer du temps au contact direct de la nature contribue à développer un sentiment de connexion avec elle, aussi bien pendant l’enfance qu’à l’âge adulte. Bien que de plus amples investigations scientifiques soient nécessaires sur le sujet, il semble que ce sentiment de connexion perdure dans le temps et ait une influence positive sur les attitudes et comportements pro-environnementaux. Dès lors, dès que l’opportunité se présente, il est important de sortir avec ses publics et de leur proposer des activités dans la nature. Une démarche d’ErE déconnectée de celle-ci, par exemple uniquement en classe, aurait moins d’effets sur les participant·es. En outre, le sentiment d’auto-efficacité des individus, c’est-à-dire leur croyance en leur propre compétence à agir, ici en faveur de la préservation de l’environnement, est lié au sentiment de connexion avec la nature. Il est donc intéressant de multiplier les expériences de nature avec ses publics et, en parallèle, de leur transmettre des connaissances appliquées (cf. recommandation 1), qui soutiendront leur sentiment d’auto-efficacité, mais aussi leur sentiment de connexion à la nature.
La répétition des expériences de nature a des effets positifs, et ce constat est plus largement transposable aux interventions d’ErE. En effet, les études présentées le démontrent, chaque activité peut avoir des effets en termes de changements d’attitudes et de comportements. Ceux-ci sont néanmoins modestes, même si l’intervention est composée de plusieurs séances (comme les sorties dans le cadre de l’école du dehors) ou s’étale sur la durée (projets Eco-Schools, séjours, etc.). Dès lors, plutôt que de suggérer de privilégier certaines activités d’ErE au détriment d’autres – cette diversité faisant la richesse du secteur et le rendant attractif aux yeux d’une diversité de publics –, nous conseillons de multiplier les expériences d’ErE tout au long de la vie, et surtout au contact direct de la nature (cf. recommandation 3).
Le type de motivation qui est le plus lié à l’adoption de comportements pro-environnementaux est la motivation autonome, celle permettant d’accomplir un comportement de sa propre initiative et non sur pression de l’entourage (motivation contrôlée). Cette dernière augmente dans le cadre de projets fortement cadrés (par exemple une même action précise prédéfinie, à faire par toutes et tous), mais ceux-ci n’aboutissent pas forcément à des changements de comportements individuels sur le long terme. Il est donc important de mettre en place des dispositifs mobilisateurs laissant une certaine liberté d’action et créativité aux participant·es, et/ou d’être à l’écoute de leurs projets. Ils et elles développeront et entretiendront ainsi leur motivation autonome, de même que leur sentiment de pouvoir agir, découlant d’une implication active dans des actions concrètes.
Les études récentes en témoignent, les compétences dites du XXIe siècle font désormais partie des préoccupations. Les interventions d’ErE, et surtout celles au contact de la nature comme l’école du dehors, contribuent au renforcement d’une série de compétences transversales, qui peuvent être qualifiées de « compétences d’avenir ». Comme exprimé précédemment, il est donc important de sortir avec ses publics et de leur proposer des activités dans la nature (cf. recommandation 3). Mais d’autres ingrédients favorisent également le développement des compétences d’avenir et d’action en matière de durabilité : inciter la participation à des actions concrètes liées à des enjeux environnementaux (cf. recommandation 5), rendre les individus acteurs de leur apprentissage, et proposer une approche pédagogique à la fois holistique (liant enjeux économiques, environnementaux et sociaux) et pluraliste (développant l’esprit critique). Combinés, ces éléments permettront aux participant·es d’avoir une meilleure connaissance de leurs possibilités d’action ainsi qu’une meilleure confiance en l’importance de leurs actions personnelles, et les inciteront à agir.
Vivre dans un monde complexe et incertain, aux crises écologiques multiples, suscite différentes émotions, en fonction des individus. Nous pensons qu’il est important de prendre en considération ces émotions (inquiétude, colère, tristesse, etc.) dans la manière de concevoir et de proposer des activités d’ErE (cadrage affectif, ton, etc.), en particulier en matière d’Éducation aux Changements Climatiques. À ce stade des recherches, il apparait que les émotions dites « négatives », comme la colère, sont des moteurs d’action, favorisant ainsi les comportements pro-environnementaux, mais peuvent aussi conduire au déni des problèmes. Afin d’éviter que ses publics ne fassent l’autruche, il est donc pertinent de les accompagner constructivement dans la régulation des émotions ressenties. Si un long chemin reste à parcourir dans le domaine, des ressources voient progressivement le jour et les possibilités de s’outiller pour se sentir plus à l’aise en animation se multiplient – que les émotions soient au programme ou qu’elles s’y invitent.
En tant que chercheuse, nous nous permettons de formuler une dernière recommandation, tant à l’égard des praticien·nes de terrain que de la communauté scientifique. En Belgique francophone, les véritables partenariats entre ces deux types d’acteurs et actrices, impliquant un processus de co-construction des savoirs, sont encore peu nombreux dans le cadre de démarches d’évaluation des pratiques d’ErE. Il serait dès lors utile mais aussi nécessaire de multiplier les collaborations entre les milieux académique et associatif, dès qu’une opportunité se présente, à l’instar de l’Action Co-Création d’Innoviris ou de la collaboration entamée entre le Réseau IDée et la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l’UCLouvain. À nos yeux, ce type de partenariats permettrait d’intégrer davantage les objectifs poursuivis par les praticien·nes à la démarche d’évaluation. C’est important, étant donné qu’il est généralement question d’évaluer l’efficacité des dispositifs. En outre, multiplier de telles collaborations permettrait d’outiller les professionnel·les du secteur, afin qu’ils et elles puissent évaluer leurs pratiques de manière scientifique et autonome (mode d’évaluation interne).