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Fiche d'activité

Le nucléaire en débat

Le nucléaire en débat

Objectif de l’activité

Peut-on se passer du nucléaire ? A l’heure de la crise énergétique actuelle, cela fait à nouveau débat. Mais comment se positionner sur une question si complexe ? Au travers d’un jeu de rôle, apprenons à chercher, à débattre, à confronter les arguments, à nuancer, pour faire des choix critiques et éclairés.

Objectifs d’apprentissages :

  • Apprendre à évaluer des expertises, des positions différentes sur une question complexe, porteuse d’incertitudes et de risques
  • Distinguer les faits et les opinions
  • Chercher une information de qualité, comprendre un texte ou une vidéo et pouvoir en retirer les idées essentielles
  • Défendre un point de vue, argumenter, tout en écoutant les points de vues des autres
  • Savoir faire des compromis
  • Discuter de nos valeurs
  • Prendre conscience qu’une controverse évolue en fonction des cadres spatio-temporels, scientifiques, politiques, socio-économiques…

Attendus du référentiel

Cette méthodologie peut se déployer en éducation permanente ou dans le cadre scolaire. Dans ce dernier cas, elle peut s’insérer dans le cadre des compétences attendues notamment pour les cours de français (UAA 3 et 4), d’EPC (UAA 3.1.1. ; 3.1.2. ; 3.1.5. ; 3.2.5.), de sciences (physique – UAA 8).

Description de l’activité / déroulement

1. Situation-contexte

Distribuer un article reprenant des titres de presse récents et faire visionner une courte vidéo concernant la prolongation du nucléaire jusqu’en 2035 en Belgique.
Articles : « La prolongation de certaines centrales nucléaires pose question dans la presse belge » et « La loi de sortie du nucléaire, l’histoire d’un texte mort-né qui a survécu à douze gouvernements »
Article et vidéo : « Prolongation de Doel 4 et Tihange 3 dès novembre 2026 : voici ce qu’ont conclu Engie et le gouvernement » 

Après lecture et visionnage, laisser un moment aux participant·es pour exprimer comment ils ou elles se sentent par rapport à ce sujet d’actualité. Leur proposer ensuite d’écrire leur avis personnel sur ce sujet, à garder pour eux.
Expliquer alors que les participant·es vont prendre part à un jeu de rôle sous forme de débat autour de la question socialement vive (QSV)1 suivante :

« Au regard de la crise énergétique actuelle et des dérèglements climatiques mondiaux, quelle part doit avoir le nucléaire dans la production d’électricité de notre pays ? »

Suite à ce jeu de rôle, les participant·es seront invité·es à produire un argumentaire personnel sur la question.

2. Explication du jeu de rôle

« Vous êtes les membres d'une commission consultative (composée de citoyen·nes, de professionnel·les du secteur, de scientifiques et de mandataires politiques) convoquée par les ministères de l’énergie et du climat en vue de débattre de la place du nucléaire dans notre pays.
Réparti·es en trois sous-groupes d’opinion, vous allez construire, et endosser pour certain·es, un personnage impliqué dans ce débat. Chaque personnage développera des arguments (en lien avec son groupe d’opinion) qu’il pourra avancer lors du débat. »
Les 3 groupes sont constitués de manière aléatoire afin que les participant·es ne s’orientent pas spontanément vers leur propre avis. Ils et elles reçoivent chacun·e une synthèse de l’opinion générale portée par leur groupe et en prennent connaissance ensemble :

Groupe 1 (pour une électricité produite massivement et à long terme par le nucléaire) : les centrales nucléaires sont indispensables pour garantir l’autonomie de notre système d’approvisionnement électrique et éviter le black-out. Elles émettent très peu de CO2, ce qui est très important dans la lutte contre le dérèglement climatique. On ne peut pas dépendre uniquement des énergies renouvelables, qui sont actuellement insuffisantes, diffuses (il faut beaucoup de petites unités pour produire l’équivalent de la production d’une centrale) et la plupart intermittentes (dépendantes du soleil, du vent, etc.). Le nucléaire doit donc être maintenu au-delà de 2035, avec la construction de nouvelles centrales, et former la colonne vertébrale de notre avenir énergétique qui devra se passer des énergies fossiles émettrices de CO2.

Groupe 2 (pour un mix énergétique incluant le nucléaire à court terme) : afin de garantir notre autonomie énergétique à moyen terme, ainsi qu’une accessibilité en énergie pour tous, le nucléaire doit faire partie de notre mix énergétique bas carbone durant les prochaines années. En parallèle, nous devons développer massivement le renouvelable, et programmer l’abandon progressif et maîtrisé du nucléaire. Cependant, vu l’ancienneté de nos centrales nucléaires et le coût de leur maintien en activité, la poursuite du nucléaire doit être encadrée de manière stricte par les pouvoirs publics pour garantir la sécurité des citoyen·nes.

Groupe 3 (pour l’arrêt immédiat des centrales nucléaires) : nos centrales nucléaires actuelles sont vieillissantes et « posent des questions d’ordre environnemental, sanitaire et éthique » développées dans le dernier rapport du Conseil Supérieur de la Santé. Un accident menacerait la vie de millions de Belges, et certains déchets restent radioactifs durant des milliers d’années. Le coût de production et de prolongation de nos centrales est bien trop élevé. Les énergies renouvelables, combinées à une réduction de notre consommation, permettraient de couvrir nos besoins énergétiques. Nous ne voulons donc pas d’un prolongement de nos centrales ni de la construction de nouvelles.

3. Phase de préparation et de recherche documentaire en groupe

Les groupes d’opinion devront développer des (contre-)arguments parmi les thèmes suivants : les risques d’accident nucléaire ; les déchets nucléaires ; le lien avec les objectifs climatiques (émissions de CO2) et la transition énergétique ; les coûts d’entretien, de maintien, de production, de distribution, de construction et de gestion des déchets ; l’emploi ; la sécurité d’approvisionnement en électricité ; l’épuisement des ressources naturelles (gaz, pétrole, uranium, métaux rares pour la fabrication).
Pour ce faire, ils devront aller puiser dans des sources d’informations fiables (voir propositions ci-dessous). Ces arguments devront être synthétisés sous forme écrite par le groupe.
Lors du jeu de rôle, ces arguments devront être défendus par différents personnages (de 1 à 3, selon la taille du groupe) : un·e employé·e de la centrale, un·e climatologue, un·e écologiste, un·e économiste, un·e responsable politique… à répartir dans le groupe. Ces personnages peuvent être définis à l’avance par l’animateur ou l’animatrice ou choisis par les participant·es (voir l’activité d’EFDD pour des idées de « cartes » personnages plus détaillées - lien en fin d’article).
Chaque personnage construit son rôle (identité, métier et domaine d’activité, accessoire pour le jeu de rôle) en fonction de son groupe d’opinion. Ces personnages seront les porte-parole de leur groupe lors du débat, pour défendre de façon convaincante les arguments construits collectivement2.

Sources sélectionnées sur ce sujet, pour construire les argumentaires :

4. Le jeu de rôle

L’animateur ou l’animatrice rappelle aux participant·es la situation-contexte et joue le rôle de président·e de séance.
Les grands principes régissant le débat sont parcourus par toutes et tous.
Rappeler entre autres que, dans le cadre d’un jeu de rôle, ce sont les personnages qui parlent et non les personnes. Les personnages peuvent donc exprimer des avis qui ne représentent pas l’avis propre des participant·es.
Les personnages rejoignent la table des discussions.

Les autres membres du groupe prennent l’un des rôles suivants pendant le débat :

  • Le collecteur d’idées : chargé·e de prendre note de l’argumentaire des autres personnes de la commission en vue d’aider les porte-parole lors de la phase de négociation.
  • L’observateur : chargé·e de repérer comment se déroulent les débats et de prendre note de la qualité des échanges (voir les échelles de fond et de forme dans l’outil Débat structuré2).

Pour commencer, inviter les personnages à se présenter. Puis demander à chacun·e de présenter ses arguments concernant la problématique en question, par un tour de table.
Les personnages sont ensuite invités, lors d’un second tour de table, à répondre aux arguments adverses, l’animateur ou l’animatrice intervenant comme modérateur ou modératrice. Son rôle est ici primordial dans la distribution de la parole et comme garant·e du cadre du débat.

5. Processus de négociation

Les collecteurs et collectrices d’idées, avec l’aide de l’ensemble du groupe, sont alors invité·es à identifier les points de convergence ou ceux qui pourraient faire l’objet d’aménagements afin d’obtenir des points d’accord, tout en prenant toujours en compte le point de vue de leur personnage. L’animateur ou l’animatrice note sur le tableau les convergences. Il ou elle peut par exemple réaliser une carte des controverses évoquées durant le débat ainsi que les incertitudes qui subsistent.
Chaque groupe d’opinion se retrouve alors pour prendre en compte les arguments évoqués et faire évoluer ou non sa position sur la question.
En plénière, les différents personnages expriment si leur position a évolué et en quoi.
Les points de consensus (ou non) sont actés au tableau.

6. Retour sur l’activité vécue et construction d’un argumentaire personnel

Inviter les participant·es à sortir du jeu de rôle et à débriefer sur ce qu’ils ou elles ont vécu, en laissant à chacun·e la possibilité d’exprimer son ressenti. Les observateurs et observatrices peuvent alors faire leurs remarques sur le déroulement du débat.
Cette activité peut se clôturer par la production d’un argumentaire personnel sur le nucléaire ou par un débat mouvant permettant aux participant·es de se positionner sur cette question, en faisant le lien avec leur avis initialement rédigé.
Prolongement possible : réfléchir, à partir de ce jeu de rôle, à la manière de construire un avis critique sur une QSV : Quelles sont les compétences nécessaires pour faire des choix démocratiques ? En quoi nos valeurs (souhait d’autonomie, de sécurité, de solidarité, de liberté, de responsabilité…) influencent-elles nos positionnements sur le nucléaire ?

Corentin CRUTZEN


Cette méthodologie est inspirée de l’activité Controverses climatiques ? Dialoguons ! développée par l’asbl EFDD, à la demande de la Fondation Roi Baudouin. Retrouvez cette activité ainsi que le guide méthodologique complet sur https://www.efdd-asbl.org/nos-outils.
 

1. Pour en savoir plus sur les Questions socialement vives et leur intérêt pour l’apprentissage du débat démocratique, de la complexité et de la nuance : Symbioses 130 : Oser les questions vives
2. Pour vous aider à construire un débat structuré avec les participant·es : https://webdeb.be/debagora ou https://tinyurl.com/debatstructure