Prêts pour la révolution énergétique ?
La transition énergétique : à quel prix ?
Depuis la nuit des temps, les humains ont fait de l’énergie une quête pour assurer leur survie et progressivement améliorer leur confort : pour se chauffer, se nourrir, se déplacer, s’éclairer, usiner, refroidir… De la maîtrise du feu à l’exploitation successive de la force animale, du soleil, du vent, de l’eau, du charbon, du pétrole, puis de la fission nucléaire. L’énergie est le moteur du développement de nos sociétés. Aujourd’hui, elle est partout, omniprésente dans notre quotidien, nos activités, dans tout ce que nous consommons, produisons. Mais à quel prix ?
Le prix du gaz et celui du baril de pétrole, qui flambent au gré des conflits géopolitiques et des spéculations qui les accompagnent. La guerre en Ukraine, au-delà des horreurs qu’elle génère, a notamment pour conséquence de révéler la dépendance et la fragilité de l’approvisionnement énergétique européen, et donc de notre économie. Une dépendance aux énergies fossiles essentiellement (pétrole, gaz naturel, charbon), et aux pays et entreprises qui les produisent et les transportent.
Le coût social aussi. En 2021 – avant la guerre en Ukraine, donc –, plus d’un ménage sur quatre vivait déjà en situation de précarité énergétique en Wallonie et à Bruxelles. La situation s’est depuis fortement aggravée.
Le prix écologique enfin. Notre dépendance aux énergies fossiles a un coût environnemental exorbitant. Celui des émissions de gaz à effet de serre, responsables du dérèglement climatique. Nous allons devoir produire notre énergie autrement, la décarboner. C’est un engagement climatique, si on veut rester sous la barre des +2°C. D’où la part croissante de l’électrique, pour nous déplacer, nous chauffer… Cela (re)soulève, entre autres, la question brûlante de la prolongation de nos centrales nucléaires (cf. l’activité pédagogique pp. 19-21).
Mais il est surtout impératif de réduire notre consommation globale d’énergie. Et pour cela, nous devons nous interroger collectivement sur ce qui est vraiment essentiel dans nos consommations (lire pp.6-8). Fini la gabegie énergétique. Pas le choix. Et ce n’est pas qu’une question climatique. Les chiffres varient, mais d’ici la fin du siècle les ressources de pétrole, gaz, charbon et uranium seront épuisées ou presque. Et les solutions technologiques ne nous sauveront pas. Le tout à l'électricité (et au numérique) – ingrédients de la transition « verte » présentée par l’Europe – a aussi ses limites. Celles, notamment, des métaux (rares) dont dépendent les voitures électriques, éoliennes, objets connectés... Va-t-on passer d’une dépendance au pétrole à une dépendance au métaux ? (1)
Faut-il relancer des projets miniers (polluants) sur le territoire européen, y compris chez nous ? (2) Ou continuer à externaliser en Chine tout l’impact de l’activité industrielle ?
Face à un système économique et géopolitique aussi complexe, le sentiment d’être dépassé·e et impuissant·e prévaut. Quelles sont les marges de manœuvre des citoyen·nes ?
Ce dossier de SYMBIOSES explore cette question dans ses dimensions éducatives : comprendre et s’informer sur l’énergie, développer son esprit critique et se positionner sur nos relations à l’énergie, agir individuellement et collectivement. Des démarches de réappropriation citoyenne et de partage local d’énergie renouvelable entre particuliers existent (cf. notre article sur les communautés d’énergie, pp.12-13). Une sorte de circuit court de l’énergie, pour éviter le court circuit. Ces initiatives sont encore expérimentales, mais ouvrent l’horizon. Au-delà de la question de la production, toutes les solutions passent aussi par une sobriété (plus ou moins) choisie et impliquent la (re)construction de liens sociaux, de partage et de solidarités.
Un champ énorme de choix posés aujourd’hui vont conditionner nos modes de vie dans les décennies à venir. Comment ces choix vont-ils être opérés et par qui ? Avec quels processus démocratiques ? Quel temps sera octroyé aux débats face aux urgences qui se profilent ? Comment ne pas laisser la production et la distribution d’énergie aux seules mains du marché et de ses quelques acteurs tout-puissants ? Comment les citoyen·nes peuvent-ils redevenir acteurs et actrices de leur futur énergétique ?
L’éducation est un pilier incontournable pour soutenir une telle démarche démocratique, en incluant dans les apprentissages les approches complexes et systémiques, en apprenant à s’interroger et à poser des choix, à débattre et délibérer, à imaginer et s’ouvrir au changement, à vivre des projets concrets collectivement.
Nous espérons que ce numéro de SYMBIOSES vous en donnera l’énergie.
Joëlle VAN DEN BERG, secrétaire générale du Réseau IDée
Références:
(1) Ecouter l’épisode du podcast RTBF Le Tournant (voir Outils pp.22-23) consacré aux métaux : https://tinyurl.com/podcast-letournant-metaux
(2) Lire l’article sur ce sujet, RTBF, 25 juillet 2022 : https://tinyurl.com/mines-belgique
Joëlle VAN DEN BERG
secrétaire générale du Réseau IDée