Environnement sonore : tendez l'oreille
Entrer en résonance
Installez-vous dehors, en nature, confortablement. Fermez les yeux. Tendez l’oreille.
Quelques oiseaux piaillent dans un arbre. Le vent caresse les feuilles. Le bourdonnement d’un frelon trouble à peine votre quiétude. Au loin, on entend la ville. Ses voitures, ses entreprises, ses sirènes, son agitation perpétuelle. Ces sons racontent notre environnement, ses beautés, ses laideurs, ses mouvements. Le son est mouvement. Il fait vibrer l’air pour chuchoter l’état du monde. Un monde où la pollution sonore est devenue un enjeu de santé publique, tant pour les humains que pour le reste du vivant. Faites-vous partie des 14% de Belges affecté·es par les bruits environnants ? Si vous êtes urbain·e et pauvre, la probabilité est forte.
Dans ce monde, le silence est de plus en plus perçu comme un luxe ; ou une injonction (du pouvoir, de l’école, ou d’un coach en développement personnel).
Un monde où le chant d’un oiseau a été numérisé pour nous avertir des tweets incessants de Trump, Musk ou Bouchez. Un monde où le vacarme est partout, tout le temps, du trottoir aux réseaux sociaux.
Mais vous, vos 130 millions de cellules rétiniennes mises en pause (4000 fois plus que les cellules du système auditif), vous êtes loin de tout ce brouhaha. Vous vous êtes offert le temps d’entrer en résonance.
Comme nous le suggère le sociologue Hartmut Rosa dans sa critique de l’accélération sociale (1), la résonance, c’est cette capacité de s’arrêter pour entendre un fragment du monde, écouter ce qu’il a à nous dire d’important, le laisser nous toucher, nous affecter, nous transformer, résonner en nous. Pour alors raisonner.
Puis agir. Ne plus être ni sourd·e, ni muet·te. Arrêter cette course à la performance, pour entrer en relation avec l’autre, humain ou non humain.
Si ce dossier de Symbioses vous propose d’écouter, il ne vous invite pas pour autant à vous taire. Car il est urgent aujourd’hui de nous faire entendre, depuis les écoles, les associations, les quartiers. Faire du bruit, pour refuser celui des bombes et des bottes. Pour dénoncer les coupes budgétaires dans l’éducation, l’environnement, le social, la culture. Pour déjouer ceux qui veulent museler la société civile en l’asphyxiant, ceux qui nous racontent « qu’il n’y a pas d’alternatives ». Ceux-là sont de plus en plus nombreux et de plus en plus bruyant. En réponse, faisons rimer résonance avec résistance. Il n’y aura ni printemps (2), ni été silencieux.
Christophe Dubois, Directeur du Réseau IDée
(1) H. Rosa, Résonance. Une sociologie de la relation au monde, Editions La Découverte, 2018.
(2) En 1962, dans Printemps silencieux, Rachel Carson craignait de ne plus entendre à l’avenir les chants d’oiseaux, victimes collatérales des pesticides de synthèse. L’ouvrage a été l’un des actes de naissance du mouvement écologique moderne, une caisse de résonance de la prise de conscience environnementale.
Christophe Dubois
Directeur général
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