Aller au contenu principal

Article Symbioses

La résilience au cœur des Rencontres de l’ErE

La résilience au cœur des Rencontres de l’ErE

La résilience au cœur des Rencontres de l’ErE

Mai 2024, par Sophie Lebrun, Christophe Dubois et Corentin Crutzen
Un article du magazine Symbioses n°140 : Futur incertain - Anticiper et s’adapter


Une centaine de professionnel·les de l’éducation relative à l’environnement (ErE) se sont donné rendez-vous à Eupen, les 5 et 6 février derniers, pour les traditionnelles Rencontres de l’ErE organisées par leur fédération, le Réseau IDée. Le thème ? « Demain nos territoires : anticiper - s’adapter - s’engager ». Deux journées pour creuser les méthodes éducatives permettant de développer la résilience, de faire de la prospective et de susciter l’engagement face aux risques socio-environnementaux. Au terme de trois conférences, quinze ateliers et de nombreux échanges, ils et elles sont reparti·es des idées plein la tête. Extraits choisis.


L’imagination en action

« Fermez les yeux. Vous êtes dans un endroit que vous connaissez bien, où vous vous sentez particulièrement bien, en sécurité. Vous le visualisez ? Un portail apparaît devant vous. Vous faites un pas en avant pour le franchir. Vous voilà en 2050, dans une société où on a arrêté d’émettre des gaz à effet de serre. Que voyez-vous autour de vous, que faitesvous, comment fonctionne la ville ou le quartier, ses habitants, les institutions ? Racontez-moi. »

Par cette plongée dans l’active hope (espoir actif), l’animateur Lucas Stordeur propose aux participant·es de devenir des « activistes de l’imaginaire ». Objectif ? Transformer l’imagination en actions réelles, individuelles et collectives. « Se projeter dans un futur désirable n’est pas toujours évident, on a souvent plus de facilités à voir les risques et à vouloir être réalistes, souligne l’animateur. Pourtant, l’espoir nous donne l’envie d’agir. » En mettant ensuite leurs rêves individuels en commun, les participant·es confrontent leurs valeurs et représentations. Cela interroge aussi les récits dominants faisant croire qu’il n’y a pas d’alternatives. Pour terminer, Lucas demande à chacun·e : « Pour cheminer vers ce dont vous avez rêvé, quel serait votre PPPP : premier petit pas possible ? ». Ou comment conjuguer le futur au présent. C.D.

A la recherche d’idées pour stimuler l’imaginaire ? Lisez nos fiches pédagogiques.


Des films qui nous (dé)construisent

Et si on parlait cinéma, et en particulier dystopie ? Et si, pour alimenter notre capacité à imaginer de nouveaux récits d’avenir et de nouveaux territoires, on analysait les rôles – inspirants ou rebutants – joués par différents personnages de fiction, qui évoluent dans des mondes en ruine ou font face à un événement complexe ? Tel était l’objet de l’atelier proposé, aux Rencontres de l’ErE, par Frédérique Müller, chargée de projets environnement chez PointCulture.

Il est ainsi des personnages, fussent-ils des superhéros, qui ne cherchent qu’à rétablir la situation initiale, sans améliorer le monde. D’autres qui se saisissent courageusement d’un lourd héritage pour réparer, reconstruire autrement, pas à pas. D’autres encore qui se donnent pour mission de guider leurs congénères vers la liberté. Etc.

Au final, l’atelier aura suscité, chez plus d’un·e participant·e, l’envie de (re)voir des films aussi différents que La Reine de Neiges 2, Matrix, Stalker, Le Transperceneige, Les têtes givrées et Nausicaa. Ou de se plonger dans Habiter et raconter en solastalgie. Un foisonnant ouvrage sur les récits – ceux qui nous enferment et ceux qui ouvrent nos horizons –, dans lequel sont décodés de nombreux films et documentaires. S.L.


Symbioses 140 anticiper et s'adapter Conseil du vivant

© Réseau IDée
Et si on se mettait dans la peau d’une guêpe, d’un renard, d’un champignon, d’un chêne ou encore d’une mésange bleue ? Et si on s’imprégnait ainsi de leurs comportements et stratégies d’adaptation, afin de les partager ensuite avec les humain·es, pour les aider à élargir leur vision et rendre leurs projets plus résilients ? Tel est le principe de l'animation Conseil du vivant, imaginée par Manu Harchies (ICEDD), qui en a proposé une déclinaison aux Rencontres.


La résilience territoriale par le jeu

Vous êtes plongé·es en 2056, dans une situation de crise alimentaire qui touche un village rural suite à des bouleversements météorologiques successifs. Votre mission ? Endosser le rôle d’un personnage intervenant lors de l’Assemblée communale populaire convoquée en urgence, afin de présenter vos solutions à court et moyen terme pour faire face à cette crise.

Aidé·es de plusieurs documents (situation-contexte, fiches personnage, cartes du territoire, données chiffrées…), vous êtes invité·es à débattre, en deux phases, lors de cette assemblée populaire.

Avec son nouvel outil sur la résilience territoriale (1), présenté en avant-première lors des Rencontres de l’ErE, l’asbl EFDD vise à sensibiliser les acteurs et actrices de terrain, citoyen·nes et étudiant·es à la participation citoyenne et au débat comme facteur de résilience. Ce jeu de rôle est suivi d’une conclusion permettant d’aborder quelques aspects théoriques de la résilience territoriale et de faire des liens avec la réalité.

Nos conseils pour la personne qui anime : maîtriser un minimum les concepts abordés et ne pas hésiter à fournir ou faire rechercher des infos supplémentaires (sur des cas similaires existants) qui aideront les participant·es à pleinement incarner leurs rôles. C.C.


(1) Plus d’infos sur cet outil : www.efdd-asbl.org/outil-n3-resilience. D’autres jeux existent sur la thématique de la ville résiliente (voir les Outils et l'article Imaginer la ville de demain du Symbioses 139).


Partager nos émotions

48 % des jeunes entre 18 et 34 ans ressentent de la peur, de l’angoisse ou du stress face à l’actualité liée aux menaces environnementales et à la problématique du climat, selon une enquête Ipsos menée en partenariat avec l’asbl GoodPlanet Belgium (2023).

Mais comment accueillir ces émotions lorsque l’on traite des risques environnementaux avec un groupe ?

Et comment en faire des leviers pour l’action ?

Lors des Rencontres de l’ErE, après avoir posé un cadre sécurisant (confidentialité, non jugement, droit de ne rien dire...), Elenore Mailleux, animatrice spécialisée en écopsychologie, lance un premier exercice : « Par deux, complétez les phrases suivantes : (1) Les crises environnementales, comme la perte de biodiversité ou le réchauffement de la planète, provoquent en moi…, (2) Ces émotions me poussent à… L’un·e écoute l’autre pendant deux minutes, puis on inverse les rôles ». Ce type d’exercice aide les participant·es à identifier, comprendre et exprimer leurs émotions et ce qu’elles déclenchent. Partager avec d’autres qui peuvent vivre les mêmes réalités aide aussi à réguler ses émotions, à percevoir d’autres façons de réagir. C’est utile pour les apprenant·es, mais aussi pour les professionnel·les qui les accompagnent : « C’est difficile de ne pas transférer inconsciemment à nos publics nos propres émotions ou écoanxiétés, par nos choix méthodologiques, nos postures, nos réactions », constate Maëlle Dufrasne, de l’asbl Ecotopie, qui organise des formations sur l’écoanxiété en ErE (voir Adresses utiles). D’où l’importance de partir des émotions et des savoirs des apprenant·es.

Et de créer des espaces d’analyse et de mise en commun entre professionnel·les de l’éducation. C.D.


Symbioses 140 Anticiper et s'adapter

© Réseau IDée
Prendre conscience que l’occupation des espaces et les aménagements influencent notre vulnérabilité en cas d’aléas naturels : c’est au programme du cours de géo, et au cœur d’une animation proposée aux élèves du secondaire par Les Découvertes de Comblain (voir Symbioses n°132). Un atelier y était consacré, aux Rencontres, prolongé par une visite d’Eupen axée sur les dégâts et aménagements liés aux inondations de 2021. 


Combiner résilience et résistances

Les premières victimes des crises et catastrophes socio-environnementales sont, souvent, les populations précarisées. On l’a vu chez nous, lors des inondations de 2021. Ou lors de la crise énergétique. Ou encore durant celle du Covid. Pour préparer et accompagner les inévitables basculements que ces crises actuelles et futures engendrent dans les secteurs du social, de la santé, de l’éducation permanente et populaire, plusieurs associations ont lancé le projet Ce Qui Nous Arrive. « Comment, à l’échelle des territoires, solidariser les enjeux de la santé, du social, de l’environnement, et les professionel·les qui les portent ? On sait ce que nous ne voulons plus. Mais que voulons-nous ? Partageons nos visions d’avenir et nos pratiques », propose Céline Nieuwenhuys, directrice de la Fédération des Services sociaux, co-porteuse de l’initiative et intervenante lors des Rencontre de l’ErE.

Dès septembre 2022, des rencontres ont été organisées avec des personnalités inspirantes, pour éclairer les combats des travailleurs et travailleuses de terrain. L’intention est aussi de passer plus de temps à agir ensemble, au-delà des frontières sectorielles. Un exemple ? Le dispositif BRI-Co (1) dont l’objectif est de « réparer » la relation entre l’habitant·e et son quartier.

Comment ? Dans les quartiers populaires, les associations et institutions locales se rassemblent, vont à la rencontre des habitant·es lors de marches exploratoires, puis mettent en place, durant trois jours, un espace d’accueil pour récolter la parole citoyenne et échanger sur la question : « Si il fallait réparer quelque chose, par quoi commencerait-on ? ». C.D.


(1) BRI-Co, pour Brigades de Réparations Immédiates et Collectives, mais aussi Bureau de recherche et d’investigation sur les communs. Plus d’infos : www.fdss.be/fr/ateliers-de-quartier-bri-co-ressources


Les centres culturels,  des acteurs clés

Cela a aussi été rappelé aux Rencontres de l’ErE : le secteur de la culture a un rôle important à jouer dans la construction de sociétés résilientes. « Nous pouvons agir sur des facteurs de résilience tels le lien social, l’estime de soi et le sentiment de pouvoir agir », a expliqué Emilie Lavaux, directrice du 38, Carrefour culturel de Genappe. Cet acteur dynamique – à la fois centre culturel, centre d’expression, maison de jeunes et point touristique – a fait de l’accès à la culture une priorité. Pour mobiliser un public diversifié, en particulier des personnes qui en sont éloignées, ledit centre culturel mise sur la convivialité, sur un partenariat avec le CPAS (sorties culturelles et création de spectacles avec des bénéficiaires) et sur la « désacralisation » de la culture (notamment en veillant à donner une place à la culture dite populaire dans sa programmation).

En outre, a rappelé Emilie Lavaux, les centres culturels ont une mission d’analyse partagée du territoire – qui doit les aider à guider leur action. Leurs équipes vont à la rencontre des habitant·es et associations locales pour recueillir leurs souhaits et leurs peurs, leur perception du territoire, de ses atouts et de ses défis.

Cela passe par la création de cartes sensibles (1), par la photographie, par des débats, etc.

Bilan de ce témoignage et de l’échange qui a suivi : il faudrait multiplier les collaborations entre les acteurs de la culture et de l’éducation à l’environnement ! S.L.


(1) Une carte sensible représente la vision subjective (basée sur des vécus intimes ou collectifs, croyances, souhaits…) qu’a un groupe d’habitant·es de son territoire à un moment donné.


Retrouvez le compte-rendu des Rencontres : www.reseau-idee.be/rencontres-2024-territoires

Articles associés pouvant vous intéresser