Smartphone ou enregistreur avec micro.
L’activité proposée s’applique à un public scolaire, mais pourrait facilement être transposée à un projet éducatif mené au sein d’une maison de jeunes, d’une maison de quartier, d’une association d’éducation permanente...
Démarrez en faisant entendre aux jeunes des sons enregistrés (p.ex. : issus d’une balade sonore existante (1)) pour les mettre dans l’ambiance et ensuite invitez-les à la réflexion : qu’avez-vous entendu ? Quels sons font partie de votre quotidien ? Quels bruits aimez-vous ou détestez-vous entendre ? Peut-on reconnaître un endroit uniquement grâce à ses sons ? Notez les réponses au tableau pour recueillir leurs représentations initiales.
Expliquez ensuite que chaque lieu possède un paysage sonore unique : murmures de la nature (chants d’oiseaux, souffle du vent), bruissements de vie humaine (voix, éclats de rire, pas pressés ou traînants), grondements des machines (roues sur le bitume, moteurs, outils), et toutes ces traces sonores qui racontent la présence des habitant·es au rythme du quotidien (une musique diffusée, un marché qui s’anime, une porte qui claque). Soulignez que cet environnement sonore influence notre bien-être (lire Quand le bruit nuit à la santé) et notre manière personnelle de percevoir un lieu.
Proposez ensuite une expérience d’écoute active à l’extérieur (au sein de l’école ou dans le quartier) : en silence, pendant (2) minutes, invitez les jeunes à fermer les yeux et à se concentrer sur tout ce qu’ils/elles entendent dans et autour de l’école. Ensuite, échangez : quels sons agréables ont été perçus ? Quels sons les dérangent ? Pourquoi ? Qu’est-ce que ces bruits nous disent de l’endroit où nous sommes (type de zone, d’usages, etc.) ?
Présentez enfin le projet : au fil des prochaines semaines, le groupe va explorer le quartier de l’école, non pas avec les yeux, mais avec les oreilles, et construire une balade sonore pour donner à entendre la richesse de l’environnement du quartier et les voix de celles et ceux qui y vivent.
Présentez le matériel qui sera utilisé : enregistreur numérique ou smartphone, micro... Montrez comment utiliser ces outils : tenir un micro sans générer de bruit parasite, orienter l’enregistreur pour capter les sons désirés…
Puis organisez un atelier pratique dans l’enceinte de l’école ou à proximité immédiate. Répartissez les élèves par groupes de 3-4 et demandez-leur de réaliser trois prises : un son d’ambiance générale (p.ex. la cour de récréation), un son isolé (le froissement d’une feuille d’arbre, une porte qui grince), une voix humaine (quelqu’un qui parle, l’écho d’une discussion).
De retour en classe, écoutez ensemble les prises réalisées. Analysez-les collectivement : qu’est-ce qu’un bon enregistrement ? Quelle émotion suscite chaque son ?...
Exposez l’idée que chaque son transporte une part de l’identité d’un lieu : ce n’est pas seulement ce que l’on entend, c’est ce que l’on ressent.
Avant la sortie, en classe, préparez la balade en co-construisant un itinéraire avec les élèves : quels lieux semblent prometteurs d’un point de vue sonore ? Place du marché, rues commerçantes, square tranquille, grands axes de circulation, écoles, parcs…
Constituez des équipes de 3-4 élèves. Chacune sera responsable d’une zone précise, identifiée sur une carte. Distribuez le matériel (enregistreurs ou smartphones des élèves). Expliquez-leur la mission : capter les ambiances sonores du lieu, identifier les éléments naturels (présence ou absence de végétation, chants d’oiseaux, bruit de l’eau) mais aussi les dynamiques humaines (commerces, transports, vie sociale) et des témoignages d’habitant·es.
Invitez les sous-groupes à prendre des moments d’écoute silencieuse lors de leur exploration du quartier, afin de bien identifier et choisir ce qu’ils souhaitent enregistrer.
Chaque groupe devra enregistrer au minimum : une ambiance sonore typique, deux sons spécifiques et le témoignage ou l’histoire d’un·e habitant·e ou d’un·e commerçant·e (autorisation préalable nécessaire). À votre retour, stockez et organisez tous les fichiers audio, en indiquant clairement la zone à laquelle ils appartiennent.
En début de séance, installez les élèves devant des ordinateurs équipés d’un logiciel de montage audio simple (ex. Audacity). Montrez-leur comment importer des fichiers, couper des extraits, ajuster les volumes, faire des fondus…
Proposez d’abord un temps de tri : chaque groupe écoute ses enregistrements et sélectionne ceux qui retranscrivent le mieux les atmosphères perçues. Puis, accompagnez-les dans la construction de la balade sonore : il s’agit de créer une narration sonore fluide et immersive, qui doit pouvoir faire voyager la personne qui l’écoute au sein de la zone explorée.
Encouragez-les à soigner les transitions sonores et, si nécessaire, à enregistrer quelques voix off pour guider les auditeurs et auditrices entre les séquences, ou à utiliser des musiques de transition.
En fin de séance, rassemblez tous les enregistrements pour constituer la balade sonore complète. Créez un itinéraire en choisissant l’ordre des lieux d’écoute et le parcours pour aller d’un endroit à l’autre. Celui-ci peut être réalisé sur une carte numérique (en géolocalisant les sons, par exemple via Google Maps, OpenStreetMap ou Thinglink) ou physique en y identifiant les points d’écoute. Pensez également à prévoir une piste sonore introductive à la balade pour expliquer son déroulement et le concept. Cette partie peut être gérée par l’enseignant·e ou construite avec les élèves.
Créez enfin une playlist avec les différents extraits sonores sur une plateforme gratuite (p.ex. Soundcloud), afin de pouvoir communiquer le projet à l’extérieur.
En complément : plutôt qu’une carte géographique « classique », vous pouvez également proposer la création d’une carte sensible 2 qui serait une représentation artistique et subjective de l’environnement sonore du quartier.
Organisez une séance d’écoute collective en effectuant la balade dans le quartier, casque sur les oreilles et smartphone en poche, pour écouter chaque enregistrement sur les lieux-mêmes. N’oubliez pas de prévoir aussi des moments d’écoute sans le casque pour ressentir le quartier et voir comment cela affecte la perception de celui-ci.
Après l’écoute, ouvrez un temps de discussion : comment cette écoute immersive a-t-elle modifié leur perception du quartier ? Quels sons aimeraient-ils préserver ? Quels sons aimeraient-ils voir disparaître ? Comment le quartier pourrait-il évoluer pour être plus agréable à écouter ?
Invitez enfin les autres classes de l’école, les enseignant·es, les parents et/ou les habitant·es du quartier à effectuer la balade sonore, soit dans le cadre d’un événement de l’école, soit en autonomie. N’hésitez pas à inviter la presse.
Corentin Crutzen
(1) Retrouvez de nombreuses balades sonores sur www.urbanisason.be
(2) Pour en savoir plus : www.tousapied.be/articles/la-cartographie-sensible