La biodiversité nous permet également de nous questionner sur notre rapport à la nature.
L’intention de l’approche philosophique en éducation à l’environnement est avant tout de se poser des questions, sans nécessairement trouver de réponse unique. Nous ne sommes pas philosophes et donc nous souhaitons juste susciter le questionnement chez les participant·es sans apporter de réponses toutes faites. L’idée étant de les faire réfléchir sur le rapport à la nature, au vivant, à la biodiversité.
Ce n’est pas nouveau, depuis les philosophes grecs (Platon, Socrates et surtout Aristote) les humains se posent des questions philosophiques sur la nature, son origine et les liens que nous entretenons avec elle.
Le concept de « nature » peut se définir de nombreuses manières, p.ex. théorisés dans un article de Ducarme et Couvet (2020)1. L’un des sens communément utilisé est que la nature est l’ensemble des composantes biophysiques (le non-humain) de l’environnement. Cette définition se recoupe avec une autre qui considère la nature comme part du réel sans intervention humaine, existant par elle-même. Cette seconde définition est à l’origine de la « grande fracture », du dualisme qui oppose nature et culture. La nature s’opposerait donc à la culture par le fait que cette dernière recouvre uniquement les productions anthropiques (humaines).
Crédit : pxhere
Ce concept de « nature » a énormément évolué au cours de l’Histoire. Il recouvre des significations très distinctes et varie en fonction des bassins culturels2. Il reste toutefois une construction sociale humaine, majoritairement issue de l’occident moderne. D’ailleurs, ce concept et le mot même de « nature » n’existent pas dans le vocabulaire de certaines populations.
Références:
1 Ducarme, F., Couvet, D. What does ‘nature’ mean?, Palgrave Commun 6, 2020. https://doi.org/10.1057/s41599-020-0390-y
2 Ducarme F., Flipo F. et Couvet D., How the diversity of human concepts of nature affects conservation of biodiversity, Conservation Biology, vol. 34, no 6, 2020. https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cobi.13639
Dans son « Discours de la méthode » (1637), René Descartes nous invitait déjà à nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ». Pour le philosophe, la séparation entre nature et culture est fondamentale. Selon lui, la nature représente l'ensemble des choses matérielles régies par des lois physiques (un animal serait une machine perfectionnée), tandis que la culture est le domaine de l'esprit humain et de la connaissance. Par son raisonnement, l’humain peut comprendre les règles de fonctionnement de la nature, donc la maîtriser. À l’époque, il voulait surtout démystifier notre rapport à la nature. Mais sa pensée a largement influencé la culture occidentale, jusqu’à justifier l’exploitation insoutenable de la nature, à négliger les interconnexions complexes dans les écosystèmes, à perdre le lien émotionnel et spirituel avec l'environnement, et à penser l’humain supérieur à toute autre forme de vie.
Image : Philippe Descola. Crédit: Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons
C’est de cette séparation entre nature et culture que l’anthropologue Philippe Descola traite dans son livre « Par-delà nature et culture ».
Il propose de dépasser ce dualisme en montrant que la nature est elle-même une construction sociale. Il définit alors quatre ontologies, quatre façons d’être au monde, dépassant le dualisme humain et non humain. Il propose ainsi de développer une « écologie des relations ».
Selon lui, notre société occidentale serait « naturaliste », dans le sens où elle est la seule à introduire cette distinction entre soi et autrui par le concept de nature.
D’autres sociétés, comme certaines populations d’Amazonie, sont animistes, accordant tant aux non-humains et qu’aux humains d’être animés par une force vitale, un esprit. C’est ce que nous faisons aussi parfois quand nous parlons aux animaux ou à certains objets.
Une troisième ontologie définie par Descola est le totémisme – que l’on retrouve principalement chez les Aborigènes d’Australie –, fondant son rapport aux non-humains au travers de totems représentant des êtres naturels (animaux, végétaux…).
Enfin, la dernière ontologie est l’analogisme que l’on retrouve en Inde, en Chine ancienne ou dans les Andes (Aztèques, Incas). Dans ces sociétés, il y a(vait) une forte séparation, tant sur le plan physique que psychospirituel, entre les humains eux-mêmes ainsi qu’entre humains et non-humains, ce qui permet entre autres les rites sacrificiels. Ces populations ont en général des religions polythéistes.
Ainsi, c’est tout notre rapport à la nature, au vivant qui est questionné au travers de notre ontologie. Baptiste Morizot, philosophe français, a écrit sur cette thématique dans son ouvrage « Manière d’être vivant » (éd. Actes Sud, 2020). Pour lui, notre société occidentale souffre d’une « crise de la sensibilité » qu’il traduit comme un appauvrissement de notre relation à notre environnement et aux autres espèces. Pour y remédier, il propose que l’humain sorte de son anthropocentrisme, qui le conduit à se considérer comme supérieur à la nature et aux autres espèces, pour s’inclure dans un cercle d’interdépendance.
Car si l’humain est en haut de cette « pyramide du vivant » et que tout s’écroule en dessous (déclin de la biodiversité, crise climatique, etc.), que devient-il ?
Nous vous invitons donc ici à questionner vos rapports au vivant, à la nature, à la biodiversité, pour tenter de repenser ensemble notre manière d’être au monde.
D’autres sociétés, comme certaines populations d’Amazonie, sont animistes, accordant tant aux non-humains et qu’aux humains d’être animés par une force vitale, un esprit. C’est ce que nous faisons aussi parfois quand nous parlons aux animaux ou à certains objets.
Une troisième ontologie définie par Descola est le totémisme – que l’on retrouve principalement chez les Aborigènes d’Australie –, fondant son rapport aux non-humains au travers de totems représentant des êtres naturels (animaux, végétaux…).
Enfin, la dernière ontologie est l’analogisme que l’on retrouve en Inde, en Chine ancienne ou dans les Andes (Aztèques, Incas). Dans ces sociétés, il y a(vait) une forte séparation, tant sur le plan physique que psychospirituel, entre les humains eux-mêmes ainsi qu’entre humains et non-humains, ce qui permet entre autres les rites sacrificiels. Ces populations ont en général des religions polythéistes.
Image : "Manières d’être vivant", Baptiste Morizot
S’immerger dans l’environnement par la marche lente, pour se laisser un espace de respiration et de réflexion, afin de questionner la relation entre humain et nature et proposer une approche littéraire et philosophique de la biodiversité.
Activité en extérieur réalisable dans le cadre d’une balade guidée, de minimum 1 heure.
éd. Philocité, 2019.
Aborder la philosophie de la biodiversité en vous basant sur le protocole d’atelier philosophique mis en place par Matthew Lipman permet le travail sur les habiletés de pensée : argumenter, définir, donner un exemple, chercher un contre-exemple, contextualiser, comparer, distinguer, relever les conséquences ou les conditions, identifier un présupposé, faire une objection, classer ou catégoriser, analyser, synthétiser, reformuler, faire une analogie, etc.
En guise d’introduction à cet atelier philosophique, nous vous conseillons la lecture de textes qui questionnent notre rapport au Vivant et à la biodiversité, comme p.ex. les textes suivants :
éd. Laïcité Brabant wallon, 2019.
L’arpentage philo est une méthodologie qui permet de lire collectivement un ouvrage et d’ensuite se questionner sur celui-ci.
Cette activité permettra la lecture collective d’un texte présentant un intérêt philosophique. Le thème abordé sera déterminé par l’ouvrage choisi comme support de l’animation, par exemple, les ouvrages suivants :
éd. Réseau Ecole et Nature - Réserves Naturelles de France, 2013.
Cette fiche « boite à idées » vous propose de nombreuses pistes pour aborder la thématique de la biodiversité avec vos publics, que ce soit en réunion ou en animation. Y sont questionnés, notamment, les rapports de l’humain à la biodiversité ou à l’animal, ses liens de dépendance à la biodiversité, les représentations de la nature, etc. Une vraie petite mine d’or pour vous donner des idées d’activité à mener.
Et plus largement, nous vous conseillons de parcourir l’ensemble de ce document qui vous aidera à concevoir vos animations sur la biodiversité.
éd. La Banque des Territoires, 2023.
La cartographie des imaginaires est une bibliothèque d’œuvres de fiction, d’articles, de récits d’alternatives concrètes, de projets imaginaires qui véhiculent autant de représentations possibles de nos relations avec le vivant.
Cet outil peut être utilisé de nombreuses manières : sous formes d’ateliers sur les imaginaires afin d’imaginer des scénarios pour le futur, pour approfondir une thématique abordée ou même pour réaliser une exposition physique.
Il a pour but de faire connaître les récits référencés comme autant de visions sur la pluralité des relations possibles avec le monde vivant ; de faire penser pour questionner nos pratiques actuelles ; de fournir des hypothèses de travail pour imaginer et concevoir des formes de l’action publique pour demain.
éd. Arte, 2019
De l'infiniment grand à l'infiniment petit, de l'univers aux gènes, des écosystèmes au corps humain, cette série de vidéos d'animation observe l'humanité à la loupe et replace l'humain dans un univers dont il n'a jamais été le centre.
Nous vous conseillons particulièrement les épisodes #5, #8 et #10 mais l’ensemble est utile à regarder si vous avez le temps.
vidéo issue du MOOC Biodiversité, éd. Université Virtuelle Environnement et Développement durable (UVED), 2015
Dans cette vidéo (4’50’’), Serge Bahuchet montre que la nature fait l'objet de différents regards et perceptions. Il retrace les grands courants scientifiques qui se sont intéressés à cela (anthropologie de la nature, ethnoécologie, etc.) et présente les principaux chercheurs s'étant penchés sur ces questions : Max Sorre, Philippe Descola, ou encore Claude Lévi-Strauss.
produit par Engage, 2023.
Accessible uniquement après inscription gratuite et disponible jusqu’au 31/12/2024.
Dans ce parcours en ligne, une vingtaine de spécialistes de la biodiversité vous éclairent et partagent leurs expériences. Vous y découvrirez la biodiversité et ses enjeux au travers d’un parcours en 5 modules. En lien avec l’aspect philosophique de la biodiversité, nous vous conseillons la partie 1 > module 2 « Construire son rapport au vivant ».
article du magazine Symbioses n°118, éd. Réseau IDée, 2018.
L’éducation à la philosophie et à la citoyenneté a fait son entrée officielle dans nos écoles. Cet article de réflexion issu du magazine d’éducation à l’environnement Symbioses s’interroge sur la place qu’occupe l’environnement dans le cours de philosophie et citoyenneté, sur la façon de passer du débat à la connaissance, de la prise de position à l’engagement, de la coquille vide au chamboulement pédagogique.
article du magazine Symbioses n°118, éd. Réseau IDée, 2018.
Dans ce reportage paru dans le même numéro de Symbioses, Riveo nous emmène sur les traces du castor, à Hotton. Histoire d’une cohabitation avec un animal à la fois fascinant et décrié. Ou comment profiter d’une balade nature pour conjuguer émerveillement et questionnement, philosophie et pédagogie ?
Charlotte Luycks, dans : La Pensée écologique n°6, éd. PUF, 2020.
Ce concept, théorisé dans cet ouvrage par Charlotte Luyckx, docteure en philosophie, invite à apprendre à tisser ensemble tant les divers courants écologistes que les différents enjeux de la crise planétaire que nous traversons. Elle présente la crise écologique au travers de cinq strates, comme autant de dimensions (technique, économique, politique, philosophique et spirituelle).
Le contact avec la nature est source de nombreuses émotions tant positives que négatives. Apprendre à les ressentir, les écouter et les partager pour créer un sentiment de communauté et se sentir appartenir à cette biodiversité.
La crise de la biodiversité est un problème systémique qui demande des solutions systémiques. Comprendre les interdépendances pour aborder la complexité du vivant et l’impact des activités humaines sur la biodiversité.
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Utiliser l’approche scientifique pour découvrir la diversité des formes de vie. Comprendre le concept de biodiversité, ses 3 niveaux et l’observer pour identifier ses différentes composantes.
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La biodiversité fournit de nombreux services aux sociétés humaines et alimente nos économies. Comprendre ce qu’est un service écosystémique, son intérêt et ses limites pour conscientiser l’impact que l’humain a sur son environnement.
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