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Article Symbioses

Dehors, c’est la classe

Dehors, c’est la classe

Dehors, c’est la classe

Décembre 2022, par Christophe Dubois
Un article du magazine Symbioses 133: Biodiversité, tous reliés


Sortir régulièrement avec ses élèves pour observer les interactions au sein de la nature et comprendre nos interdépendances.

 


Un feu crépite au milieu du parc de la petite école fondamentale libre Saint-Charles de Wez, dans le Tournaisis. En ce mardi de janvier, le soleil brille autant que le froid pique. Un bon plat mijote dans une marmite, suspendue au-dessus des braises. Guillaume Denonne et Tatiana Sabolewsky, animateur et animatrice au CRIE d’Harchies, battent le rappel par un cri de chouette. « A la soupe ! » Un bouillon préparé par les élèves, parfumé d’orties et d’ail des ours cueillis sur place. De quoi réchauffer les corps des 25 élèves de 3e-4e et 5e- 6e primaire, et de leurs deux institutrices. « Chaque mois, on fait classe dehors, explique Mme Géraldine, la directrice. C’est Mme Marie, enseignante de 1e-2e, qui a lancé le mouvement les années précédentes. Et depuis septembre, toute l’école s’y met. On a même inscrit l’école du dehors dans le plan de pilotage. » L’équipe éducative a fait appel au CRIE d’Harchies pour se former et accompagner les élèves lors de ces journées. Le temps de devenir autonome.

Dans le feu, quelques bouts de saule noircissent dans une boîte de conserve : du fusain. « Ce matin, nous avons observé des saules têtards qui servent de clôtures, de bois de chauffage, mais aussi d’abri pour les chouettes chevêches », raconte Guillaume. Apprendre dehors, c’est se rendre compte que la nature nous offre de quoi nous chauffer, dessiner, manger, jouer. Ce que les scientifiques et les économistes appellent « les services écosystémiques ».

Des jeux d’enfants

Pour débuter l’après-midi, le dynamique animateur raconte une histoire en cascade. « Un jeune homme, les pieds dans l’eau du ruisseau, se fait mordre par une crevette. Surpris, il donne un coup dans l’arbre. Un fruit tombe sur un coq, qui vole dans une fourmilière, les fourmis mordent un serpent, qui... » C’est l’effet domino, où tout est lié. Un jeu d’enfant. Comme le jeu d’approche proposé ensuite par Guillaume Denonne. Chaque élève accroche la photo d’un animal ou d’un végétal local sur son front : noisetier, hérisson, mésange, écureuil, ver de terre, feuille morte, champignon... Deux équipes. La première qui retient toutes les espèces de l’autre équipe a gagné. Ça court dans tous les sens. Une façon efficace de se réveiller, de se réchauffer et de mémoriser.

« Et parmi ces espèces, qui mange qui ? », demande Guillaume. Les enfants tirent des fils et relient les cartes. « Et si l’une de ces espèces disparait ? Ou si arrive un loup ? Ou si on utilise des pesticides ? » Par une succession de jeux, l’animateur aborde ensuite les notions d’écosystème, de complexité, de biotope, de biocénose, de bioaccumulation.

« La chaîne alimentaire est au programme, et ça permet aussi de travailler le vocabulaire, se réjouit Madame Carole, l’enseignante. On reviendra sur ces notions en classe. » Au programme du mois prochain, les types de relations inter-espèces : symbiose, compétition, prédation...


Infos : CRIE d’Harchies - 069 58 11 72

Symbioses 133 Biodiversité

Photo: Christophe Dubois

 

Même en maternelle

Institutrice en 2e et 3e maternelle à l’école Les Aigrettes, à Boitsfort, Anne Le Docte sort avec ses élèves tous les jeudis, depuis cinq ans. Sa classe tient alors dans un caddie : des bâches pour s’asseoir ou s’abriter, une trousse de secours, des livres pour identifier les espèces, des crayons et du papier. S’il fait beau, les petits bouts partent toute la journée, à pied, en forêt de Soignes. Et s’il pleut trop, ils passent uniquement la matinée dans un parc ou un potager collectif proche de l’école.

Chaque sortie est l’occasion d’observer la nature et ses interactions. « Comment les insectes pollinisent les fleurs, ou servent de nourriture aux oiseaux, comprendre que les arbres nous apportent l’oxygène, que nous faisons partie de la nature et qu’il faut la respecter... L’interdépendance, ça peut paraître complexe, mais on le fait à leur niveau, en l’observant dans le milieu. » En ressentant aussi : en démarrant la journée, les enfants se couchent sur le sol, pour écouter ce qu’il y a autour. Un rituel de relaxation.

Certes, l’enseignante a des connaissances naturalistes, mais ce n’est pas incontournable : « Si je ne connais pas, on cherche ensemble dans les livres. J’apprends tous les jours. » A chaque pas, dès la sortie de l’école, il y a mille et une choses à découvrir. « Les enfants observent l’environnement proche, s’orientent dans l’espace, apprennent la solidarité et comment se comporter dans la nature. On aborde plein de notions en sciences, histoire, géo, socialisation. On fait des maths avec les formes, de l’art avec la nature... Ils se questionnent, cherchent, prennent la parole, énumère l’institutrice. Être dehors, face aux éléments, procure un sentiment de liberté. Que du bonheur et de l’énergie ! J’en ai besoin. Les enfants aussi, surtout en cette époque hyperconnectée aux écrans. »

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