L’eau dans tous ses états
L’eau dans tous ses états
Décembre 2021, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°132 : Inondations
Le programme « Classes d’eau » permet de se plonger chaque année, de la 2e à la 6e primaire, dans diverses thématiques liées à l’eau. Exemples à Pepinster et Soumagne.
« On a classe d’eau aujourd’hui ? Super ! » A l’athénée Verdi de Pepinster, les élèves de 5e primaire affichent leur enthousiasme, en ce lundi d’octobre.
L’eau, pourtant, il en a terriblement été question, ces deux derniers mois dans cette commune de la province de Liège. La ville garde la trace omniprésente des inondations de juillet : bâtiments éventrés, trottoirs encombrés, magasins fermés, pelleteuses à l'œuvre, distribution de repas par la Croix-Rouge, familles relogées... Plusieurs écoles ont été dévastées, dont l’implantation Piqueray de l’athénée, qui a déménagé fin août dans un autre bâtiment, rue des Jardins. Ce bâtiment était occupé par le Centre des Classes d’eau de Pepinster, qui a donc dû, lui aussi, se reloger, et ce, dans un contexte déjà perturbé par le coronavirus. Bref, pour tout le monde, « c’est une année un peu spéciale », commente Maxime Rigo, animateur.
Mais dans l’immédiat, les élèves de 5e se réjouissent de vivre une journée elle aussi un peu spéciale. Ils savent qu’elle sera rythmée par des discussions, des jeux et des expériences, car ce ne sont pas leurs premières classes d’eau.
Former des « hydro-citoyen·nes » responsables
« L’objectif des classes d’eau (lire ci-dessous) est de former des “hydro-citoyens” responsables, de conscientiser la jeune génération aux problématiques liées à l’eau et, plus largement, au développement durable, explique Maxime Rigo. Et ce, tout au long de leur parcours primaire. Cela permet d’aborder de nombreux sujets, en lien avec les programmes scolaires, et d’inclure des activités en extérieur : une sortie à la rivière et la visite d’une station de potabilisation et d’une station d’épuration. » Entre autres thèmes abordés : les états et le cycle de l’eau, la dynamique d’une rivière, ses habitants, la pollution, la potabilisation, la distribution, l’impact des humains, une consommation responsable... Un tel programme permet de construire un véritable parcours sur plusieurs années, en jetant des ponts entre diverses problématiques.
Ce matin, à l’athénée Verdi, c’est l’accès – inégal – à l’eau qui est au programme. En petits groupes, les élèves analysent une photo et en discutent avec la classe. Ici un robinet qui coule à flots, là des habitant·es qui attendent leur tour près d’un puits, en Afrique, ou encore une usine de dessalement au Koweït... Au fil des échanges, l’animateur ravive et approfondit des notions vues les années précédentes. Les nappes phréatiques, par exemple, « qui fournissent 80 % de l’eau du robinet en Wallonie ». « D’où vient cette eau stockée dans le sol ? » « Est-elle potable ? » Les événements de juillet percolent aussi dans les discussions : « Est-ce que les inondations ont pollué ces nappes souterraines ?, demande un élève. C’est pour ça qu’à un moment on n’a pas eu d’eau potable ? » Des réflexions plus « politiques » jaillissent de temps à autre. « Ah bon, on paie l’eau du robinet ? Mais en fait, on doit payer pour vivre ! »
Le jeu, incontournable
Tout cela alimente l’animation suivante, qui explore les étapes de la potabilisation. L’après-midi, par le biais d’un jeu de société, la classe se plongera dans la consommation d’eau. « Le jeu est essentiel, on veille à ce qu’il y en ait au moins un par thématique, souligne Maxime Rigo, et au fil du temps on les fait évoluer pour les rendre plus dynamiques. » Les contenus, eux non plus, ne sont pas complètement figés. « On envisage d’axer davantage les animations sur le réchauffement climatique et sur la biodiversité. Les récentes inondations nous confortent aussi dans l’idée d’intégrer une animation sur les problèmes de l’urbanisation galopante et de l’artificialisation des sols. » Par ailleurs, l’animateur espère renouer avec les sorties de terrain et les visites, mises à mal par les inondations. « Ici, à Pepinster, on avait la Hoëgne et la Vesdre à proximité. J’espère que l’on retrouvera des locaux près d’un cours d’eau. »
Remonter à la source
En attendant, le Centre des Classes d’eau de Pepinster est relogé à Soumagne, sur les hauteurs, dans le Pays de Herve. C’est là qu’on rencontre, un autre jour, les élèves de 5e de l’école communale de Grand-Rechain, occupé·es à manipuler des blocs de construction. Objectif, pour chaque sous-groupe : « créer un village agréable, viable, disposant d’eau potable, traversé par un cours d’eau ». De quoi mobiliser à la fois l’intelligence collective et des savoirs fraîchement acquis (château d’eau, usine de potabilisation...). Les villages sont ensuite placés côte à côte, connectés par le fleuve, de sa source à son embouchure. L’occasion, par exemple, d’imaginer les effets en chaîne qu’aurait une pollution à la source du cours d’eau.
Une récré plus tard, Maxime Rigo confie une autre mission aux élèves : estimer la quantité d’eau de distribution consommée quotidiennement par un·e Belge à son domicile, et distinguer les différents usages (hygiène, lessive, alimentation, nettoyage...). La réponse tombe : une centaine de litres – dont un bon tiers pour l’hygiène corporelle. Pour aider les élèves à s’en faire une idée concrète, l’animateur empile, petit à petit, des bouteilles d’un litre. « Ah, oui, tout ça ! » Certain·es s’en souviendront ce soir, au moment de choisir entre la douche ou le bain...
Photo : Sophie Lebrun
Les élèves (de l’athénée Verdi de Pepinster ici) discutent des inégalités en termes d’accès à l’eau potable dans le monde.
De Pepinster à Dour
Les Classes d’eau voient le jour en 2007 à Pepinster, à l'initiative de cinq Rotary clubs de la région et avec le soutien de la Région wallonne, de la Fédération Wallonie-Bruxelles et d’autres opérateurs publics et privés. Elles essaiment ensuite à Wavre et à Dour.
Concrètement, les classes inscrites à ce programme suivent chaque année, de la 2e à la 6e primaire, deux journées d’animation sur des thématiques liées à l’eau, dans l’un des trois centres (Pepinster, Wavre, Dour).
En 2020, la gestion de l’asbl Classdeau (qui organise les classes d’eau) est reprise par l’asbl Goodplanet Belgium et la société Aquawal, l’union professionnelle des opérateurs publics du cycle de l’eau en Wallonie. « Notre objectif est de toucher davantage d’écoles, d’être présent dans toute la Wallonie », explique la coordinatrice des classes d’eau, Nathalie Castiaux. Cela, en proposant, parallèlement à la formule de classes d’eau susmentionnée, une version itinérante (l'animateur vient dans l’école) et moins étoffée (une journée au lieu de deux). Celle-ci est en développement dans la province de Liège et le Hainaut.
Infos : www.classesdeau.be
Photo : Sophie Lebrun
Pour concevoir un village disposant d’eau potable, les élèves (ici l’école communale de Grand-Rechain) doivent intégrer un château d’eau, une usine de potabilisation, etc