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Article Symbioses

Au chevet des rivières

Au chevet des rivières

Au chevet des rivières

Décembre 2021, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°132 : Inondations


Outre les énormes dommages humains et matériels, les inondations de cet été ont eu divers impacts sur les cours d’eau. Les Contrats de rivière ont fort à faire.

 


Samedi 25 septembre, 9h. Au bord de la Vesdre, dans le quartier de Hodimont à Verviers, une vingtaine de citoyen·nes – certain·es venus de loin – s’équipent de gilets jaunes, gants et sacs poubelle. Ces personnes ont répondu à l’appel Opération rivières propres lancé par le Contrat de rivière Vesdre (lire l’encadré de l'article Comprendre les risques et se préparer, à l’échelle (micro-)locale) et la Ville. Cette année, en raison des inondations de juillet, « l’opération dure en quelque sorte depuis deux mois, en continu. On a assisté à une formidable mobilisation citoyenne et publique », applaudit l’échevin de l’Environnement, Jean-François Chefneux. Cela dit, il reste beaucoup de déchets à ramasser. De quoi remplir plusieurs camions, rien que sur les quelques dizaines de mètres carrés ciblés ce matin. Présent sur divers fronts depuis les inondations, le Contrat de rivière Vesdre aura encore fort à faire durant les mois à venir. L’une de ses missions de base est, en effet, d’inventorier les atteintes aux cours d’eau : déchets, entraves, plantes invasives...

Un petit geste dans un travail colossal

Sur les berges, les ramasseurs et ramasseuses bénévoles font face à un incroyable enchevêtrement de branches, fibres textiles et sachets plastiques, arrimés aux arbres ou enfouis dans une épaisse couche de sédiments. Des morceaux de voiture aussi, du mobilier, des tuyaux... Sans compter d’énormes bobines de fil et des vêtements professionnels, vestiges de sociétés textiles éventrées par les flots. La rivière est brunâtre, et la stabilité des berges incertaine. Florence Hauregard, coordinatrice du Contrat de rivière Vesdre, donne les consignes : ne pas s’aventurer dans l’eau, ne pas toucher les déchets dangereux, ni la berce du Caucase, une plante à la sève irritante. Ce week-end-là, partout en Wallonie, le long des cours d’eau mais aussi dans les rues, des milliers de citoyen·nes, scouts, associations et entreprises se retroussent ainsi les manches. Leur participation aux Opérations rivières propres et au Grand nettoyage (1) est particulièrement bienvenue cet automne. « On ramasse ce qu’on peut, c’est un petit geste dans un travail qui s’annonce long et colossal », commente une bénévole.

« On ne reconnaît plus nos rivières »

La pollution est multiple, causée par des déchets de toutes tailles mais aussi des hydrocarbures et d’autres fluides. De surcroît, autre conséquence des inondations, « la Vesdre n’est plus épurée – les stations sont hors service. Il y a un risque sanitaire », ajoute Florence Hauregard. La faune a également été touchée : « Sans doute beaucoup de castors ont-ils été tués. La charge organique importante de l’eau est problématique pour les espèces de poissons qui ont besoin d’une qualité d’eau élevée. Des berges où nichent certains oiseaux ont été détruites... », énumère la coordinatrice du Contrat de rivière.

Des déchets, des arbres et des sédiments charriés lors des inondations ont aussi modifié l’écoulement du cours d’eau. « On ne sait plus à quoi ressemble le fond de nos rivières, la Vesdre, la Hoëgne, la Helle... et leur cours s’est déplacé sur certains tronçons. On repart à zéro. On a de nouvelles rivières », résume Florence Hauregard. A terme, « à certains endroits, les services publics procéderont à des reconstructions ou à des réaménagements. D’autres seront laissés “tels quels”. Dans la réserve naturelle de Goffontaine à Trooz, par exemple, on envisage d’enlever les restes des berges bétonnées qui se sont effondrées, pour faire place à des berges naturelles et donner plus d’espace à la rivière, créer une zone tampon. Partout, une réflexion doit avoir lieu. »

Si la transformation a ici été brutale, « pour la rivière elle-même, cela fait partie de sa vie de se modifier. Une rivière naturelle évolue, elle connaît des crues, son cours change. Des zones humides se créent, utiles pour la biodiversité. »

Cultiver la mémoire

En attendant, partout, sur les berges et jusque dans les rues, on voit croître la renouée du Japon et d’autres plantes invasives. Les inondations ont favorisé la dispersion de ces espèces nuisibles à la biodiversité. « On commençait justement à avoir de beaux résultats de la lutte contre la balsamine de l’Himalaya et la berce du Caucase », déplore Florence Hauregard. Là aussi, il faut reprendre à zéro les inventaires et les gestions de terrain. Mais pour cela aussi, le Contrat de rivière pourra compter sur l’aide de bénévoles.

Entretenir la mémoire des crues est une autre de ses missions. « On va travailler à la pose de repères de crues dans l’espace public, des plaques indiquant les hauteurs d’eau atteintes. » De quoi se souvenir que 38 personnes sont décédées et 38.000 logements ont été impactés cet été en Wallonie.


(1) Une opération organisée chaque année par BeWapp, en Wallonie.

 

Symbioses 132 Inondations

Photo : Sophie Lebrun

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