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Article Symbioses

Se chauffer sans gaspiller

Se chauffer sans gaspiller

Se chauffer sans gaspiller

Août 2023, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°137 : Prêts pour la révolution énergétique ?


Réduire fortement le coût écologique et financier du chauffage, c’est possible, à condition de changer nos habitudes. Bienvenue dans la pratique du slow heating.

 


Le chauffage a de quoi donner des sueurs froides – a fortiori dans le contexte de crise actuel. Il constitue 72,7% de la consommation d’énergie des ménages belges (1). Et il fonctionne encore largement aux énergies fossiles (85%), principale cause des émissions de CO2.
La pratique du slow heating, qui vise à réduire fortement notre consommation de chauffage, mérite donc qu’on s’y attarde. L’idée-phare ? Chauffer seulement où et quand c’est nécessaire. En limitant, progressivement, la température ambiante fournie par le chauffage central (à 16° par exemple) (2) et, par ailleurs, en veillant à (ré)chauffer les personnes plutôt que les locaux tout entiers. Cela, tout en maintenant une sensation de confort – notion subjective et qui peut évoluer.

Pas si facile. Car la « norme » pratiquée dans nos sociétés, ce serait plutôt: thermostat sur 21°C toute la journée, chaleur généralisée (même dans les pièces inoccupées) et système automatisé.

Le slow heating représente donc une petite révolution. « Il change notre rapport à la chaleur, il part de nos besoins, et refait du chauffage une véritable pratique, faite d’actes conscients (on reprend le contrôle sur son système de chauffage), mais aussi de sensations contrastées (avoir un peu froid déclenche le plaisir de se chauffer) », explique Geoffrey van Moeseke, professeur de physique du bâtiment à l’UCLouvain. Il est le responsable scientifique du projet SlowHeat, une recherche-action participative impliquant 21 citoyen·nes volontaires et chercheurs (3). Depuis l’automne 2020, chacun·e teste le slow heating à son domicile, « à son rythme et selon ses solutions ». Ensemble, ils et elles partagent leurs expériences, dans une logique de co-construction du savoir(-faire).

Gros pulls et appareils chauffants

Pour (ré)chauffer son corps sans chauffer toute la pièce, il y a, d’abord, de bons vieux trucs. S’habiller chaudement (vive les gros pulls et sous-vêtements thermiques), bouger de temps en temps (certain·es s’équipent d’un pédalier d’appartement), recourir à une bouillotte ou à une boisson chaude… L’apport de chaleur localisé peut, par ailleurs, être fourni par l’un ou l’autre objet chauffant électrique tel qu’une housse de siège, un poncho, un sous-main, ou encore un panneau radiant à poser sur (ou sous) son bureau ou près de son divan (4). Au final, et à condition d’utiliser ces appareils avec modération, le coût financier et environ-nemental (émissions de CO2, pollution…) est bien moindre qu’avec un système de chauffage central au gaz ou au mazout réglé sur 21°, indique Geoffrey van Moeseke. « Un panneau chauffant de 60x60 cm, par exemple, coûte 100 euros et développe une puissance de 100 à 300 watts – cinq à dix fois moins qu’un radiateur classique. En outre, les appareils électriques sont plus réactifs, mobiles et précis. »

Les résultats partiels de la recherche-action, qui se termine fin 2023, montrent une économie d'énergie de 30 à 80%. « Baisser le chauffage à 16°-17° se dessine comme un objectif réaliste. Plusieurs participants, au troisième hiver, se surprennent même à vivre avec 14°. Cela démontre qu’on peut s’acclimater, progressivement, à un autre confort. Au début, on nous prenait pour des gens bizarres. Maintenant on entend : c’est pas mal en fait, tu l’achètes où ce panneau chauffant ? »

Décisions collectives

L’équipe de SlowHeat espère explorer d’autres contextes (au boulot, on a moins de liberté que dans son logement) et d’autres publics, explique le chercheur. « On aimerait travailler avec une maison de repos, par exemple, ou une association d’aide au logement. Le slow heating ne se pose pas de la même façon pour des publics précarisés, qui vivent une sobriété imposée. »

En attendant, deux classes de primaire, à Louvain-la-Neuve, viennent d’expérimenter le concept durant un mois, avec le soutien de la Région wallonne. Une expérience intéressante (5), « notamment en termes d'apprentissage du partage (du matériel chauffant) et de la négociation ».

Car pour s’installer sereinement et durablement dans nos intérieurs quels qu’ils soient (logement, classe, lieu de travail…), le slow heating nécessite de « créer un espace de discussion, notamment pour définir ensemble la température ambiante minimale, trouver le point d’équilibre du groupe. »

L’idée étant, in fine, de faire évoluer les normes sociales liées au chauffage.


(1) Chiffres de 2020, Energy, Key data éd. février 2023, SPF Economie.
(2) Sachant qu’on économise 5 à 10% d’énergie par degré en moins.
(3) L’ULB et l’asbl Habitat & Participation sont également partenaires de cette recherche financée par la Région bruxelloise. Projet détaillé sur www.slowheat.org, riche en conseils et informations.
(4) Ecouter l’épisode Repenser fondamentalement le chauffage ? du podcast RTBF Le Tournant (voir Outils)
(5) Relatée sur www.energieplus-lesite.be : Slowheat à l’école des Bruyères.

Illustration : slowheat.org

Illustration : slowheat.org
Le chauffage version slow heating (à droite) cible surtout les occupant·es, par exemple au moyen d’un panneau et d'une cape chauffants.

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