Les élèves à la manoeuvre
Les élèves à la manoeuvre
Août 2023, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°137 : Prêts pour la révolution énergétique ?
Partout en Wallonie, des élèves de primaire s’initient aux économies d’énergie, en faisant la chasse aux consommations d’électricité inutiles ou cachées, dans leur école. C’est le défi Génération Zéro Watt. Exemple à Evelette.
« On va se déplacer comme des petites souris. Vous avez les appareils de mesure, le wattmètre et le luxmètre ? Qui veut prendre note des nouvelles idées durant la visite ? », demande Emilie Néron. Ce matin, l’animatrice du CRIE de Mariemont va se laisser guider par les élèves de la classe de 3e-4e primaire de l’école communale d’Evelette. Elle les accompagne dans le cadre du défi Génération Zéro Watt, un programme de sensibilisation aux économies d’électricité (lire ci-dessous).
Il y a trois mois, elle les a aidé·es à réaliser un audit de l’école, à repérer les consommations inutiles ou cachées (appareils en veille…) et les équipements énergivores, et à dresser une liste d’actions. A présent, elle découvre les dispositifs qu’ils et elles ont effectivement mis en place avec leur institutrice, des classes jusqu’au réfectoire en passant par les toilettes et les couloirs. La visite est aussi l’occasion d’étoffer ce plan anti-gaspillage, toujours en partant des idées des élèves, insiste-t-elle. Une approche concrète et mobilisatrice, « qui donne du sens aux apprentissages ».
« On a créé des charges dans la classe. Chacun à son tour, on débranche le tableau interactif et on éteint les lumières et les radiateurs en fin de journée », explique une élève. L’imprimante-photocopieuse, « qui consomme beaucoup, même en veille ! », est désormais dotée d’un programmateur de prise, qui l’éteint de 17h à 7h. « J’ai encodé des rappels sur mon GSM, prolonge l’institutrice, Julie Delchambre. La veille des vacances, on débranche presque tout dans l’école. » Dans les toilettes, les classes et le réfectoire, les élèves ont apposé des affiches pour rappeler à chacun·e d’éteindre la lumière. Et leurs consignes ont, apparemment, percolé jusque dans la cuisine : le micro-ondes et la machine à café sont débranchés. « On a aussi supprimé des appareils, un réveil-radio obsolète et un tue-mouche électrique. Et on va enlever une ampoule sur deux dans certains locaux. »
Rayonner au-delà de l’école
L’idée étant aussi que ces gestes et questionnements rayonnent au-delà du contexte scolaire. « Ces élèves sont la classe-pilote pour l’école, mais chaque enfant l’est aussi pour sa famille », soulignent Aurélie Dobritch et Vinciane Scheuren (Scienceinfuse), coordinatrices de Génération Zéro Watt. « Plusieurs élèves ont ramené le wattmètre chez eux, embraie Julie Delchambre. Ils ont mesuré la consommation de leur console de jeux, de la télé, de l’ordinateur… Et ils ont expliqué le projet à leurs parents. »
Par ailleurs, si le défi est centré sur l’électricité – un thème qui permet davantage d’actions réalisables par les élèves et de liens avec les programmes scolaires –, rien n’empêche d’élargir ensuite la réflexion aux économies de chauffage.
Au fil d’un tel projet, enfants et adultes affinent leurs capacités d’analyse : le besoin de lumière n’est pas le même dans un hall d’entrée et dans une classe, une technologie comme le détecteur de mou-vements n’est pas utile partout, etc. Ils et elles questionnent certaines habitudes (allumer un appareil dès le matin alors qu’on n’en a pas encore besoin…) et pointent parfois des excès (« Dans certaines écoles, il y a un frigo ou un micro-ondes dans chaque classe ! », cite Emilie Néron).
L’énergie, fil conducteur multidisciplinaire
Et qu’en est-il des actions identifiées par la classe-pilote d’Evelette, mais qui nécessitent une décision en plus haut lieu ? Par exemple remplacer les luminaires par des modèles avec réflecteur, acheter des pro-grammateurs et des multiprises avec interrupteur, repeindre en blanc des murs foncés… « Les élèves ont écrit une lettre à l’échevin de l’enseignement », éclaire Julie Delchambre. Bonne nouvelle, leurs demandes ont été acceptées. Ce faisant, « ils ont exercé plusieurs compétences d’expression écrite », souligne-t-elle, et ils devront aussi mobiliser des savoir-faire d’expression orale, pour expliquer aux autres classes les gestes à poser.
Par ailleurs, le thème de l’énergie se prête bien à l’apprentissage des grandeurs, des opérations et de la résolution de problèmes. Sans compter les liens explicites avec le programme de sciences (1).
Le tour de l’école terminé, l’accompagnatrice explique le phénomène du réchauffement climatique, grandement lié à notre surconsommation d’énergie, et propose aux élèves de manipuler diverses maquettes, appareils et ampoules, pour renforcer leurs connaissances et leurs compétences en matière d’économies d’énergie. De son côté, l’institutrice prévoit de « rebondir, en classe. Un élève a dit que les voitures électriques ne polluaient pas : on va en reparler. A propos du renouvelable, on ira voir les panneaux photovoltaïques installés sur le hall omnisport. Et je peux aussi faire des liens avec les projets de mobilité douce de l’école. » « Au début, j’appréhendais un peu de me plonger dans l’énergie, une matière complexe », confie-t-elle. Mais elle ne regrette pas de participer à « un projet qui sensibilise les élèves, de manière concrète, à la consommation d'énergie et à son impact, et qui les responsabilise. »
(1) Référentiel de sciences, sur www.enseignement.be (> Ressources).
Photo : Sophie Lebrun
Des maquettes et appareils aident les élèves à comprendre les écogestes à poser. Par exemple en mesurant, au moyen d’un luxmètre, l’éclairement lumineux fourni par une lampe avec ou sans réflecteur.
Défis zéro gaspi
Photo : Vents d’Houyet Académie
Lors de l’audit de l’école, les élèves repèrent les lampes inutilement allumées, les appareils énergivores (ici avec un wattmètre), etc.
Le défi Génération Zéro Watt (ex-Ecole Zéro Watt), financé par la Région wallonne et l’Union européenne et coordonné par l’antenne Scienceinfuse de l’UCLouvain, s’adresse aux classes de primaire. Objectifs : les sensibiliser aux économies d’énergie et les amener, concrètement, à réduire la consommation d’électricité de leur école d’au moins 10%.
Des prix récompensent les écoles les plus performantes, dynamiques ou innovantes. Plus de 300 écoles ont déjà relevé le défi depuis 2011. Elles ont atteint en moyenne 20% d’économie d’électricité – et parfois jusqu’à 50%.
La classe participante est accompagnée par un·e animateur·ice d’une association d’éducation à l’environnement partenaire1, à raison de 4 demi-journées d’octobre à mai – l’enseignant·e pour-suivant le projet dans les intervalles. Cet·te accompagnant·e fournit des outils pédagogiques et instruments de mesure à la classe, la sensibilise aux enjeux de l’énergie, l’aide à réaliser un audit de l’école, à identifier des actions concrètes d’économie d’énergie, et à mobiliser les autres classes. Le défi cible les économies d’électricité. Mais il est possible d’en réaliser ensuite un second, axé sur le chauffage.
Tomorrow Watt est un projet similaire, adapté aux élèves de 5e et 6e secondaire en Wallonie (animé par Scienceinfuse).
Info et inscription (à partir de juin) : www.generationzerowatt.be (30 écoles par an) et uclouvain.be/fr/decouvrir/scinfuse/tomorrow-watt.html
En Région bruxelloise, Bruxelles Environnement et l’asbl Energie commune proposent un Défi électricité aux classes de 5e et 6e primaire et, pour le secondaire, dès la rentrée 2023, un jeu axé sur l’énergie invitant également à agir concrètement dans l’école.
(1) CRIE de Mariemont, CRIE de Villers-la-Ville, Empreintes/CRIE de Namur, Besace, Courant d’Air (coopérative citoyenne) et Nathalie Monfort (animatrice indépendante).