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Article Symbioses

Emotions - Une notion polymorphe

Emotions - Une notion polymorphe

Emotions - Une notion polymorphe

4è trimestre 2018, un article de Kim Tondeur, chargé d'analyse à l’Institut d’Eco-Pédagogie
Un article du magazine Symbioses n°120 : Quelle place pour les émotions ?

A la fois individuelles et collectives, les émotions préparent à l’action. Elles sont donc essentielles pour l’éducation. 


©pexels-photo-1230157

Les émotions sont souvent classées en quatre grandes familles - joie, tristesse, colère et peur -  déclinées (presque) à l’infini. Le mot « émotion » est un terme auquel on a pris l'habitude de se référer, sans finalement savoir ce qu'il cache. Son acception commune, populaire, entretient d’ailleurs un certain flou, que reflète sa proximité sémantique avec d'autres notions similaires telles que les sentiments, les sens, les sensibilités ou les ressentis (1).

Comme beaucoup de concepts, les émotions et les réalités qu'elles désignent sont d'ailleurs appréhendées et définies différemment selon les disciplines scientifiques. Ainsi, la biologie s'intéressera prioritairement aux émotions sous l'angle de leurs manifestations physiques (modification du rythme cardiaque, sueurs, élargissement des pupilles, etc.), de leurs mécanismes corporels (cérébraux, endocriniens, etc.)  et de leurs fonctions biologiques (de survie et de maintien de l'espèce, par exemple). Les neuroscientifiques éclaireront, quant à eux, le fonctionnement des émotions en priorisant une analyse fine du cerveau et du système limbique (2). Les historiens tenteront eux de caractériser les émotions au travers de leur traitement différentié à différentes époques. Dans un geste similaire, sociologues et anthropologues s'intéresseront aux normes collectives (croyances, valeurs morales et éthiques) qui régissent, dans un groupe donné, les conditions d'expression comme de réception des émotions.

L’émotion, une préparation à l’action

De ces différentes approches, qui sont autant de faces d'un même objet, on retient néanmoins un point commun essentiel : l'émotion prépare à l'action. Par exemple, la peur peut traduire un besoin de sécurité et entraîner la fuite. Le schéma est relativement simple : face à un stimulus, l'émotion joue le rôle de pont essentiel entre le raisonnement et l'action pratique.

Mais cela ne veut pas dire que deux personnes réagiront nécessairement de la même manière à un même stimulus. Chaque parcours de vie est en effet unique. Et, c'est à la lumière de ses expériences passées et de ses anticipations sur le futur qu'un individu perçoit - ou non - des stimuli dans son environnement présent, s'en émeut et agit - ou non - en conséquence. Ceci étant dit, beaucoup d'individus traversent des expériences de vie similaires du fait de leur appartenance commune à des groupes spécifiques : selon le genre, les classes d'âge, les groupes nationaux, religieux, professionnels, etc. Une appartenance à des mondes pluriels qui permet par ailleurs de comprendre l'existence, chez un même individu, d'émotions conflictuelles, voire contradictoires.

Pour donner un exemple concret : la peur est une émotion largement partagée, tant dans l'histoire que dans le monde, et a un substrat biologique qui prend appui sur le fonctionnement du cerveau. Il n'en reste pas moins que son expression, son intensité, sa réception par une audience varient considérablement selon l'importance donnée à certains stimuli par le groupe social et culturel où elle s'exprime, à un moment précis de son histoire. Prenons le cas du climat : les angoisses et les peurs des climatologues et citoyens bien conscients des urgences climatiques, ont progressivement pris une place plus grande. Néanmoins la répartition des craintes face aux catastrophes climatiques reste inégalement partagée, comme le montrait le décalage hallucinant entre l'alarme lancée une fois de plus par le dernier rapport du GIEC et l’attention qu'y accordent de nombreux représentants politiques, de Donald Trump à Charles Michel.

C'est en cela que l'approche des émotions peut être si complexe. Elles sont à la fois individuelles, propres au bagage de chaque individu, et collectives. Ce qui influence la manière d'appréhender les émotions en groupe, en animation.

Contact : IEP - 04 250 95 84 - https://institut-eco-pedagogie.be 


(1) Le ressenti est en réalité l’émotion traduite par  le corps, comme le stress peut être généré par la peur.
(2) A ce sujet, Sylvie Berthoz constate que les émotions ont longtemps été ignorées par les neurosciences. Le cerveau était vu comme le territoire de la raison, et le corps celui des émotions. La première étant le propre de l'homme, tandis que les émotions seraient communes à tous les mammifères. A lire dans « Les émotions au cœur du cerveau », Cerveau & Psycho, 2009.

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