(Re)découvrir les alternatives à la voiture dans nos campagnes
(Re)découvrir les alternatives à la voiture dans nos campagnes
Septembre 2021, par Stéphanie Grofils
Un article du magazine Symbioses n°131 : Mobilité - (ap)prendre d’autres habitudes
La mobilité durable est un défi du quotidien en milieu rural. Pour répondre aux besoins des particuliers et collectifs, l’asbl Mobilesem multiplie les initiatives. De quoi faire bouger le territoire rural de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
« Ça fait un drôle de bruit quand la roue tourne. Mais… il y a de la terre collée dans le garde-boue ?! », s’exclame Frédéric Baland, responsable vélo chez Mobilesem, association active sur le territoire rural de l’Entre-Sambre-et-Meuse (1), en inspectant le vélo.
« Ça, ça doit être ma fille. Elle le prend, elle ne dit rien, elle ne nettoie pas… Puis quand je veux l’utiliser, elle me dit qu’il est foutu », rouspète Isabelle avec humour.
Cette habitante de Doische est venue confier sa bicyclette au Repair Café vélo, organisé pour la première fois dans sa commune par l’asbl, via le Plan de cohésion sociale. « Je vis depuis peu sur le halage et il fait beau, donc je veux pouvoir aller au boulot à vélo. Je l’ai ressorti mais il n’était plus en état, explique-t-elle. Puis, ici, il y a un côté sympa : ils le réparent devant moi, ils m’expliquent tout et donnent des conseils. Et ce qui est super, c’est qu’ils sont disponibles en dehors des horaires de bureau et qu’ils viennent à nous ! »
Aller à la rencontre des personnes vivant en zone rurale, pour lesquelles il est parfois difficile de se déplacer, c’est là l’atout de Mobilesem et de son nouveau projet pilote MOBIL’actifs, subsidié par la Région wallonne. « C’est nous qui nous rendons mobiles afin de mieux promouvoir les modes de transports durables et actifs, comme le vélo et la marche », résume Frédéric Baland.
Grâce à sa camionnette, l’équipe amène sa flotte de véhicules alternatifs à la voiture (vélos électriques, pliables, cargo, trottinettes) à des événements et les propose en test. « Montrer que ces moyens de déplacement existent, qu’ils sont accessibles, pratiques et sûrs, c’est ce qui fait que les gens reprennent goût au vélo de manière pérenne, précise Frédéric Baland. Et là, ils comprennent que c’est bon pour l’environnement mais aussi pour le portefeuille. » Car peu de personnes savent qu’il existe un défraiement vélo pour se rendre au travail (0,25€/km) ou qu’enfourcher son deux-roues permet d’économiser 5€ par 10 km – par rapport à un trajet en voiture... Ce qui fait une belle somme en fin d’année !
Une mobilité rurale compliquée
Sur la route glissant au milieu des champs jusqu’à Philippeville, où est située l’association, on ne croise que des voitures. Seul un bus semble s’être égaré dans la campagne. Et pas l’ombre d’un vélo…
En zone rurale, la majorité des usager·es utilisent la voiture quotidiennement pour se déplacer (voir infographie ci-dessous). En cause : la difficulté (ou parfois l’impossibilité) d’accéder en transports en commun aux lieux de destination ou, au retour, à leur domicile, ainsi que la méconnaissance d’alternatives à la voiture (2). Et lorsque des lignes de bus existent, les passages ne sont pas fréquents et ne permettent pas de flexibilité horaire. Les trajets sont donc plus complexes à organiser, plus longs aussi.
Les habitant·es, parfois découragé·es d’emblée, optent alors pour la voiture, par facilité. « Ils ou elles n’ont pas toujours les réflexes ou les moyens de privilégier les transports en commun, les différentes options de mobilité active ou de combiner les uns et les autres », explique Frédéric Baland.
C’est pourquoi l’association, installée dans le bâtiment de la petite gare – tout un symbole – propose aux citoyen·nes de ce large territoire situé au sud de Charleroi de réfléchir à leur mobilité, les aide à trouver des alternatives et promeut tous les modes de déplacement « actifs ».
Une réponse multimodale aux besoins de mobilité
Pour répondre à ces difficultés typiques de nos campagnes, l’asbl organise des ateliers vélo, pour s’essayer à la mécanique ou apprendre à rouler à vélo, de la formation au coaching Je pédale pour ma forme… Elle organise également des animations dans les écoles : des rangs piétons (pédibus), des rangs d’élèves à vélo (vélobus), du covoiturage, et met à disposition une mallette d’outils pédagogiques. On ne voit pas encore un boum des vélos sur les routes de campagne de cette région, mais les retours sont encourageants. « Les personnes qui ne roulaient pas du tout et qui ont suivi une formation pour se remettre en selle maîtrisent le vélo après 24 heures, constate Frédéric Baland, le spécialiste vélo de Mobilesem. Elles ont intégré les bienfaits sur elles-mêmes, leur santé, leur qualité de vie, mais aussi sur leurs économies. Ça les fait réfléchir et ça percute. »
Mobilesem agit enfin sur l’offre de transport : « On travaille toujours avec un objectif en tête : développer l’offre multimodale pour répondre à la demande d’une meilleure mobilité dans cette région rurale », précise Michel Meuter, coordinateur de projets au sein de cette Agence Mobilité. Cet été, l’asbl est d’ailleurs à l’origine des navettes Mobilacs, entre la gare de Walcourt et les Lacs de l’Eau d’Heure.
Une positive attitude sur mesure
Un rendez-vous chez le coiffeur ? Ou pour une vaccination contre le Covid ? Un entretien d’embauche ? Face à la difficulté de trouver des alternatives à la voiture, les particuliers peuvent également faire appel à Mobilesem pour des conseils d’itinéraires. Toute personne peut contacter le numéro d’appel gratuit 0800 15 230 pour un déplacement spécifique. Les conseillères connaissent tous les opérateurs de transport des communes de l’Entre-Sambre-et-Meuse. « On détermine le profil de la personne, ses besoins et on trouve le trajet multimodal le mieux adapté, en privilégiant les transports collectifs, explique Louise Guillery, responsable du call center. Notre leitmotiv, c’est la positive attitude ! On trouve une solution dans 95% des cas, et en tout dernier recours, on lui réserve un taxi. »
Face à la demande, l’association grandit. L’équipe est de plus en plus sollicitée par les particuliers mais aussi par des partenaires (des administrations communales, des maisons de jeunes et des entreprises) pour des animations, des formations ou de l’accompagnement dans le montage de projets mobilité.
Le champ d’action de Mobilesem touche désormais 17 communes (1) situées entre Charleroi et la frontière française. Elle comprend également la ville de Charleroi, ce qui permet à l’association de développer aussi son expertise en milieu urbain.
L’asbl, qui reste axée sur la transition en milieu rural, est en constante expérimentation de solutions de mobilité innovantes. « On réajuste sans arrêt notre méthode et notre offre pour ne pas se laisser dépasser et proposer des nouveautés adaptées aux publics et à leurs situations, souligne Michel Meuter. Par nos actions, on veut aussi travailler sur les mentalités et l’évolution des comportements, mais ça prend du temps… » La route est donc encore longue. Mais les moyens d’arriver à destination sont nombreux et variés.
Infos : www.mobilesem.be – 0800 15 230 (gratuit)
(1) MOBILESEM - pour « Mobile Entre-Sambre-et-Meuse » - couvre 17 communes dont Beaumont, Chimay, Couvin, Doische, Florennes, Froidchapelle, Gerpinnes, Philippeville, Momignies, Viroinval et Walcourt.
(2) D’après l’enquête Mobwal de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps) sur la mobilité.
Source : enquête Mobiwal 2017 (Iweps)