Sortir les ados du métro
Sortir les ados du métro
Septembre 2021, par Cécile Berthaud
Un article du magazine Symbioses n°131 : Mobilité - (ap)prendre d’autres habitudes
Avec la campagne « Mov’in the city », les élèves du secondaire découvrent différentes facettes de la mobilité à Bruxelles. Une app’, un jeu de piste en pleine ville, une pincée de compétition et l’adhésion est emportée
Essoufflé·es, fatigué·es, mais content·es. Les 15 adolescent·es de l’Athénée Marguerite Yourcenar viennent de passer la matinée à arpenter le centre de Bruxelles pour collecter un maximum de points et tenter de remporter le « Smoov’Gaming ». Ce jeu de piste géant plonge les élèves dans l’intermodalité. Il s’agit de rallierdifférents lieux de la ville en étant les plus efficaces possible grâce à une combinaison judicieuse de modes de déplacements : marche, Villo (1), Stib, train… Chaque groupe de 3 ou 4 est équipé d’un smartphone et de l’application ad hoc : à chaque point-clef atteint, le groupe relève un défi et obtient des points. A midi, fin du jeu. Et pendant que les fourbu·es goûtaient au plaisir oublié de s'asseoir et se poser, leur professeure de sport comptait les points.
« C’était chouette ! Mais fatigant. On a fait beaucoup à pied, mais c’était parfois loin. Le meilleur défi c’était l’escape game. Ça c’était trop bien et on l’a réussi ! Sinon, à Botanique on a dû faire une vidéo d’un cycliste, mais on n’en voyait pas. Les autres défis, c’était plutôt des questions, du genre où on était, combien il y a de voies à la gare du Nord... », racontent Iman, May et Noussayba, à leur arrivée. La matinée a plu aussi aux quatre garçons de l’équipe des « Empereurs ». « C’était bien. Une bonne expérience, estime Hamza. On a pris trois bus, un tram et on a marché. Les questions et les énigmes étaient plutôt faciles. » Pour son compère Nadir, le bilan est aussi positif. « Moi je ne bouge pas trop de mon quartier, et là j’ai découvert des endroits comme le Botanique, la rue du Progrès, la gare du Nord », explique-t-il. Chacun·e repart avec un lot (ticket de cinéma, escape game, nuitées en auberge de jeunesse, selon le classement). C’est exceptionnel. En temps normal, seuls les trois premiers groupes reçoivent un prix.
Une animation en 4 étapes
En temps normal... ils sont 500 élèves à participer. « Pour cette 5e édition, dix écoles étaient inscrites au début de l’année scolaire. Et puis, il y a eu le reconfinement, et malgré nos plans de sauvetage, beaucoup d’écoles se sont retirées du projet, explique Florence Gillet, chargée de mission mobilité chez Coren, l’asbl qui pilote ce jeu. Elles avaient trop de matière du programme à rattraper et ont donc moins mis l’accent sur les campagnes externes. »
Seul l’Athénée Marguerite Yourcenar est allé jusqu’au bout du bout. « Cela fait deux ans qu’on participe et on va continuer. On le fait avec des classes de 4e. A leur âge, ils commencent à se déplacer seuls, donc c’est un bon moment pour les accrocher, leur montrer d’autres mobilités », éclaire Caroline Cavadini, professeure de sport dans cet athénée de Laeken.
La campagne mise sur pied par Coren est gratuite et s’étend sur trois à quatre mois. Baptisée « Mov’in the city », elle comprend quatre étapes, dont le grand jeu de piste dans Bruxelles est la dernière. La première est une animation-débat en classe sur la mobilité, ses impacts, les solutions. Ensuite, Pro Velo dispense une matinée de formation pratique pour rouler dans le trafic. La 3e étape, c’est le briefing préparant les élèves au jeu de piste : modalités, rappel des règles de sécurité, outils (cartes, applications, sites web).
L’accent sur l’intermodalité
Alors que plus de 3 millions de déplacements ont lieu chaque jour dans la capitale, penser sa mobilité est devenu indispensable. « L’objectif global est de sensibiliser les élèves à la mobilité durable en ville. Les faire réfléchir à leur manière de se déplacer, à leur efficacité et à la durabilité. Avec les jeunes de cet âge-là, on met l’accent sur l’intermodalité. Ils utilisent principalement les transports en commun. On leur montre qu’ils peuvent combiner avec le vélo ou avec le train. Ou faire certains de leurs déplacements à vélo ou à pied », indique Florence Gillet, de Coren.
On pourrait croire que les adolescent·es sont de celles et ceux qui maîtrisent le mieux l’intermodalité, poussé·es vers la débrouille par leur envie d’autonomie. Mais non. Ils sont déjà bien ancrés dans leurs habitudes. « Certains prennent le métro pour une station, relève Caroline Cavadini. Tout comme ils sont nombreux à habiter dans les environs de l’école, mais très peu viennent à vélo, alors que c’est tout à fait faisable. Mais quand on les a sondés, on s’est rendu compte que la moitié d’entre eux n’ont pas de vélo. »
D’où l’importance de cette campagne « Mov’in the city ». D’autant que les animations pour le secondaire ne sont pas légion. Ce n’est pas un public facile, mais la combinaison des aspects ludiques, mise en action, compétition et prix à la clef rend le projet séduisant et motivant. Et pour une fois, c’est leur smartphone qui les fait sortir et bouger.
Contact : www.movinthecity.be - Florence Gillet : 02 640 53 23, florencegillet@coren.be
(1) Service de vélos partagés à Bruxelles
Photo : Coren