Apaiser les abords de l’école
Apaiser les abords de l’école
Septembre 2021, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°131 : Mobilité - (ap)prendre d’autres habitudes
Certaines voiries deviennent des « rues scolaires », réservées aux piétons et cyclistes, aux moments d’afflux vers et hors de l’école. Exemple à Grâce-Hollogne.
Vêtue d’un gilet jaune, Christiane Laloux salue chaleureusement les piétons et les automobilistes circulant près de la rue Ernest Renan. « Il faut être empathique et observateur pour sécuriser les abords d’une école », indique cette surveillante habilitée, formée par la police de Grâce-Hollogne. L’école communale Georges Simenon est située à 180 mètres, au bout de la rue, dans un cul-de-sac. A 8h, Christine Laloux abaisse la barrière équipée de panneaux explicites : jusqu’à 8h40, la rue Renan est une « rue scolaire », donc interdite aux véhicules motorisés. Les riverain·es, toutefois, peuvent sortir de la rue, « et en cas de forte intempérie, on laisse passer les parents, d’autant qu’on abrite deux crèches », précise le directeur, Serge Chatin. Même topo pour la rue Voltaire parallèle, où se trouvent les maternelles. A la sortie de l’école, l’après-midi, rebelote : les deux rues sont temporairement fermées aux autos.
« On a gagné en sécurité, témoigne une maman. Avant, c’était un combat pour les piétons, avec des voitures sur les trottoirs, des manœuvres dangereuses devant l’école. » C’est ce constat (« une petite fille s’est fait renverser ») qui a incité le directeur à envisager la mise en place de rues scolaires. Les voiries rencontraient les critères requis : routes locales, quartier résidentiel, possibilités de parking à proximité…
Sensibilisation et persévérance
Le dispositif est inscrit dans le code de la route depuis 2018, mais les premières rues scolaires sont apparues en Flandre dès 2012, à Bruxelles ensuite, portées par une mobilisation pour une meilleure qualité de l’air (1). Elles fleurissent en Wallonie depuis 2019 (2). « L’objectif est d’apaiser les abords des écoles afin que les enfants s’y rendent en sécurité, en favorisant les modes doux, actifs. Car la sensibilisation, la répression et les infrastructures ne suffisent pas toujours à résoudre les problèmes dus aux voitures », explique Anne-Valérie De Barba, chargée de projets à la cellule Education à la Mobilité et à la Sécurité Routière du SPW.
La création d’une rue scolaire nécessite la collaboration « et une grande motivation » de l’école et de la commune, dit-elle, le dispositif pouvant susciter « beaucoup d’opposition, chez les riverains et les parents ». « Il bouscule les habitudes et les mentalités », confirme Doris Davin, conseillère en mobilité à la commune de Grâce-Hollogne. Les avantages sont pourtant nombreux, outre la sécurité accrue : moins de pollution, moins de bruit, plus de contacts sociaux, une meilleure perception spatiale de l’environnement quand on est piéton·ne…
Un travail de sensibilisation est donc nécessaire. Il requiert de la persévérance. « A la réunion d’information, il n’y avait que 6 parents et 4 riverains » se souvient Serge Chatin. Et quelques parents automobilistes peinent encore à changer de fâcheuses habitudes : rouler vite, se montrer agressif, stationner au plus près de l’école... quitte à mettre en danger les autres usagers. Comme ce papa qui s’arrête juste devant la barrière « rue scolaire », au beau milieu du carrefour – au lieu d’utiliser les dépose-minute situés à quelques mètres. Ou celui-là qui fait carrément fi du panneau d’interdiction et s’engage dans la rue, par l’espace libre entre le trottoir et la barrière. « Il faudrait une présence régulière de la police » réagit un piéton.
« On redécouvre le plaisir de marcher »
« Nous, désormais, on marche un peu plus. On se lève plus tôt, mais on arrive plus détendu·es » raconte une maman. La création de la rue scolaire a incité cette famille venant d’une autre commune à repenser son lieu de parking et à privilégier un itinéraire piéton un peu plus long mais plus vert, via un sentier : « On redécouvre le plaisir de marcher. » De leur côté, « quelques familles résidant à trois rues de l’école ne viennent plus en voiture », se réjouit Serge Chatin. De là à dire que tout le monde est ainsi prêt à changer sa (dé)marche, il y a un pas.
« Du côté néerlandophone, on considère qu’un parking “proche de l’école” peut se situer à 10 minutes à pied ; en Wallonie, c’est la moitié : 300 mètres », note d’ailleurs Anne-Valérie De Barba. Elle ajoute que pour renforcer une rue scolaire, on peut y associer un rang piéton reliant le parking à l’école. Mais cela nécessite (encore) des moyens humains.
En attendant, à Grâce-Hollogne, la commune et l’école ont des projets pour dynamiser les rues scolaires, outre les animations d’éducation à la sécurité routière déjà suivies par les élèves : installer un parking vélo, valoriser les sentiers menant à l’établissement, proposer aux enfants de recenser les obstacles rencontrés par les piétons...
(1) Lire L’air fait la leçon, Symbioses n°119
(2) Voir Outils : « Concevoir une rue scolaire » édité par le SPW. En Région bruxelloise, les écoles peuvent être accompagnées par GoodPlanet pour la mise en place d’une rue scolaire.
Photo : Sophie Lebrun