Aller au contenu principal

Article Symbioses

Il y a du changement dans l’art

Il y a du changement dans l’art

Il y a du changement dans l’art

1er trimestre 2021, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°129 : L'environnement (se met) en scène


Les spectacles et tournées ont souvent un impact environnemental fort.
Focus sur quelques solutions originales.

 


Mesures d’économie d’énergie (voire production d’énergie renouvelable), incitants pour encourager les spectateurs à utiliser les transports en commun et la mobilité douce, usage de matériel réutilisable (côté scène et côté bar), toilettes sèches... Nombre d’artistes, salles de spectacles et autres acteurs culturels adoptent des pratiques respectueuses de l’environnement. Certain·es déploient des solutions originales, quitte à chambouler leurs pratiques. Exemples.

Autonome en énergie

Un spectacle autonome en énergie et transportable à vélo : c’est le défi que s’est posé la compagnie française Organic Orchestra emmenée par l’artiste Ezra. Pari réussi avec Oniri 2070, un voyage contant des rêves de futurs alternatifs, incluant musiques, atmosphères sonores et vidéos réalisées en direct. Le spectacle consomme moins d’1kWh - l’équivalent d’un projecteur dans une salle. Il est « alimenté » par les batteries de vélos à assistance électrique, rechargées avec des panneaux solaires, et par deux volontaires du public, qui pédalent sur scène durant les premiers morceaux. « Tout le matériel du spectacle tient dans quatre remorques à vélo, qui constituent aussi nos objets de scène : éléments de scénographie, tables, caissons de basse » explique la compagnie dans une vidéo expliquant sa démarche. Oniri 2070 a aussi été imaginé pour pouvoir être joué en extérieur. Fort de ces caractéristiques, le spectacle vise surtout des tournées façon « petits parcours, à la rencontre des gens » (25 km maximum entre les sites, plusieurs jours sur un territoire restreint).

Un beau défi, qui nécessite un minimum de transdisciplinarité, comme le souligne Ezra : « Pour développer un tel projet, je ne peux pas être juste musicien : j’ai besoin de rentrer dans la technique, comprendre comment fonctionne l’électricité, etc. »

En lien avec le quartier

Soucieux, lui aussi, d’engager sa compagnie Thor - de renommée internationale - et son studio dans un fonctionnement durable, le chorégraphe belge Thierry Smits a décidé de prendre un virage important. Son prochain contrat-programme mettra l’accent non pas sur la diffusion à l’international mais sur le respect de l’environnement et sur « le travail en proximité : repenser des liens, travailler avec des structures locales », explique-t-il dans la revue Nouvelles de danse (1). « Nous sommes situés dans la commune de Saint-Josse, la plus pauvre de Bruxelles, avec plus d’une centaine d’ethnies différentes. Un espace tellement vivant que c’est impossible de tomber dans l’autarcie. » Thierry Smits prévoit notamment d’y organiser un festival disséminé aux quatre coins de la commune, et d’ouvrir le studio Thor à des artistes en résidence.

Autre idée : jouer son prochain spectacle pendant trois mois dans ledit studio - plutôt que le déplacer continuellement de théâtre en théâtre. Ce qui implique de se préoccuper des déplacements des spectateurs qui viendront d’ailleurs : « Nous sommes en train de tisser des liens avec des centres culturels (situés à moins d’une heure de notre studio) et essayons de trouver avec eux des solutions de moyens de transport en commun et des actions de médiation », explique le chorégraphe. Le système garantit une certaine stabilité aux danseurs et danseuses (des contrats de six mois : trois de création et trois de représentation).

L’envert du décor

Une production d’art vivant est, par nature, éphémère. La tournée terminée, que deviennent les décors, parfois imposants dans l’opéra ou le théâtre ? Peuvent-ils être recyclés ou mieux encore réutilisés ? D’un autre côté, des petites structures culturelles ou sociales ont besoin, précisément, de matériel à bas prix ou gratuit. Ce double constat a mené à la création de plateformes d’échange de matériel. In Limbo rassemble ainsi des dizaines d’associations ou collectifs à but non lucratif des secteurs sociaux, culturels et artistiques bruxellois - tous arts confondus.

Les dons de matériel peuvent, eux, venir de tout type de structure. Le genre de matériel demandé/proposé ? « Des éléments de décors, panneaux en bois, plexiglas, rideaux, etc., mais aussi de logistique : plomberie, électricité… On travaille aussi avec Rotor, entreprise de démontage et réutilisation de matériaux de construction », indique Félix Aerts, coordinateur d’In Limbo.

Certains acteurs culturels vont plus loin en veillant, dès le processus de création, à imaginer des décors durables et réutilisables, et surtout à réduire leur volume. La Monnaie, par exemple, réfléchit, avec d’autres maisons d’opéra, à harmoniser leurs structures de base : sur ces structures standardisées, le spectacle en tournée n’aurait qu’à ajouter certains éléments de déco. De quoi réduire le volume de décors transportés.


(1) « Les tournées ne vont bientôt plus être possibles », dans Nouvelles de danse n°78 : La danse face aux défis écologiques, automne 2020 - Téléch. sur www.contredanse.org - www.thor.be

Symbioses 129

Photo : David Gallard
Oniri 2070, un spectacle à l’empreinte écologique faible

Articles associés pouvant vous intéresser