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Article Symbioses

Dans l’antre du tri

Dans l’antre du tri

Dans l’antre du tri

Octobre 2025, un article de Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°145 : Fast fashion : un modèle à détricoter

Suivons le fil d’une visite-animation proposée par Terre ASBL, au cœur de son centre de tri de Herstal. Plongée dans les coulisses du réemploi textile. 


©Sophie Lebrun

Photo ©Sophie Lebrun

Parc industriel des Hauts-Sarts, à Herstal. Un long bâtiment jaune et bleu : le centre de tri de Terre ASBL, entreprise d’économie sociale qui collecte et revend (ou recycle) une bonne partie des vêtements dont nous ne voulons plus. Dix citoyen·nes participent à la visite guidée programmée ce mercredi après-midi (1). Ils et elles se réjouissent de « voir les coulisses, voir ce qu’on fait des textiles que je dépose dans les bulles ad hoc », « montrer à mes enfants, qui s’habillent en seconde main, l’ampleur de cette filière… et de la consommation de vêtements », « comprendre pourquoi les bulles débordent ». L’activité abordera tous ces thèmes, en mêlant information, discussions et visite immersive du centre de tri.

Jonas Dembour, l’animateur, présente d’abord le Groupe Terre, qui rassemble 16 entreprises d'économie sociale. Il évoque son histoire, ses objectifs (insertion professionnelle, financement de projets de solidarité en Belgique et à l’étranger) et ses filières d'économie circulaire. Celle du textile, gérée par Terre ASBL, occupe 300 employé·es. L’animateur explique en quoi elle est actuellement sous pression (trop de vêtements – de moindre qualité – à collecter et à traiter) et les raisons de cet afflux, fast fashion et surconsommation en tête (lire La seconde main à la croisée des chemins). 90 tonnes de textiles, « soit le poids de 18 éléphants », sont récoltées par jour en Belgique francophone ! Voilà pour la toile de fond. Plus tard, l’animation rappellera aussi la trame d’une consommation raisonnable : acheter moins, réutiliser, réparer, etc.

La « crème », ingrédient phare

Vêtu de casques et gilets fluos, le petit groupe pénètre dans l’antre du tri. Il se faufile entre d’énormes cages remplies de vêtements, des montagnes de chaussures et le va-et-vient des clarks. Le tri se déroule au fil d’un long tapis roulant qui serpente à travers tout le bâtiment. La visite permet de voir de près ce travail de fourmi, et d’échanger avec ceux et celles qui l’effectuent.

Rien que le pré-tri est édifiant : « Tous ces vieux brolls et ces électros ! Certains prennent la bulle à textiles pour une poubelle ! », s’offusque un visiteur. S’ensuit l’étape de pré-classage, où 16 trieurs et trieuses traitent chacun·e 1800 kg de textiles par jour. Il et elles repèrent les pièces en bon état (non déchirées, non tachées…) et les trient en différentes catégories (pantalons, pulls, linge de maison, etc.). « Et là, c’est ce qu’on appelle la crème, indique Fabienne, forte de 37 ans d’expérience chez Terre. C’est le top, ce qu’on destine à la vente dans les boutiques Terre. » Si le bon état est le premier critère, « la mode joue aussi. Et le fait qu’il en faut pour tous les goûts. On tient aussi compte des rayons spécifiques créés par certaines boutiques : vintage, rando, etc. » Chaque catégorie est ensuite redivisée (pulls homme, pulls femme, etc.). De fil en aiguille, le tri aboutit à 150 catégories.

D’autres images s’impriment dans la tête. Celle des grosses balles de textiles compactés, destinées à des opérateurs partenaires en Afrique et au Pakistan ; celle de l’atelier de la couturière qui sauve, du flux des vêtements abîmés, quelques pièces qui seront upcyclées.
Des chiffres aussi. 20% du tonnage collecté finit incinéré. A l’autre bout de la chaîne, 7% du tonnage est revendu en boutique, « or ces ventes représentent 70% des recettes de l’ASBL, précise Jonas Dembour. D’où l’importance d’un bon tri, qui ne laisse pas passer des pièces de qualité. » « Et d’où l’importance, pour nous citoyens, de continuer à vous en donner, de ne pas tout vendre sur Vinted », conclut une participante.


(1) Visite gratuite, sur inscription, pour adultes et ados (également disponible au centre de tri textile de Couillet). Pour les publics scolaires, s’adresser à l’asbl Autre Terre. Voir notre sélection d'adresses utiles.


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