Prêt·e à porter n'importe quoi ?
Prêt·e à porter n'importe quoi ?
Octobre 2025, un article de Corentin Crutzen
Un article du magazine Symbioses n°145 : Fast fashion : un modèle à détricoter
Quand théâtre, jeu et atelier manuel s’allient pour questionner la mode et ses impacts, cela donne un dispositif original et immersif, taillé pour les 10-12 ans par Oxfam-Magasins du monde.
Pièce de théâtre par la Compagnie Histoires publiques, intitulée "C’est pas cousu d’avance". Photo ©Carole Cuelenaere
Alors que la fast fashion envahit les garde-robes et les imaginaires dès le plus jeune âge, comment outiller les enfants pour les inciter à questionner ce qu’ils et elles portent ?
Le projet Prêt·e à porter n’importe quoi ?, conçu pour les 5e et 6e primaires par l’asbl Oxfam-Magasins du monde (voir notre sélection d'adresses utiles), relève ce défi avec une pédagogie narrative et rythmée. « Les élèves de cet âge sont à la porte de la consommation vestimentaire », observe Sophie Duponcheel, animatrice. « On veut leur donner des clés pour comprendre, s’interroger et agir ». Le projet s’étale sur un mois, à raison de quatre séances de 2 x 50 minutes.
Raconter pour faire comprendre
D’entrée de jeu, les élèves assistent à la pièce C’est pas cousu d’avance, de la compagnie Histoires publiques (photo ci-dessus et lire dans notre sélection d'outils pédagogiques). Un spectacle à la fois drôle et percutant, comme en témoigne Valérie Chiltz, enseignante ayant vécu le projet avec ses élèves : « Les comédiennes ont su capter l’attention des enfants dès les premières minutes, grâce à des personnages accessibles, de l’humour et une mise en scène dynamique. Beaucoup d’élèves en ont parlé spontanément après. Certains ont dit qu’ils ne verraient plus leurs vêtements de la même façon. »
Après cette première secousse émotionnelle, le projet déploie une narration autour du personnage d’Esmeralda, couturière au Bangladesh – un personnage fictif mais inspiré de la réalité – qui témoigne de ce qu'elle vit par le biais d’une BD. À travers elle, les élèves explorent le parcours du jean, le salaire indécent, le travail des enfants… Ce récit puissant est un bon levier pédagogique pour susciter l’empathie et ouvrir aux enjeux nord-sud. Le Jeu de la bobine, (voir notre sélection d'outils pédagogiques), permet ensuite de visualiser les interdépendances économiques, sociales et écologiques derrière chaque vêtement. « Les élèves présentent leur personnage dans un jeu de rôle, qui prend la forme d’un speed dating entre les différents acteurs du cycle textile. Puis, on déroule une ficelle entre eux : ça rend visibles les liens de pouvoir. »
L’impact écologique y est abordé, avec des exemples visuels et des chiffres marquants. Les élèves découvrent entre autres que fabriquer un t-shirt demande l’équivalent de 70 douches. Sur une carte, ils retracent le parcours d’un jean. « Les enfants retiennent toujours les 31 596 kilomètres parcourus », souligne l’animatrice.
Des savoirs qui se bricolent
Pour ne pas se limiter aux impacts négatifs, la dernière animation bascule dans l’action. Les enfants amènent de vieux tissus qu’ils transforment en tawashis (éponges tissées), nœuds papillons... Ce moment de création est aussi un temps d’échanges informels : « Ils me demandent comment je m’habille, si je vais chez Oxfam... Ils s’ouvrent, ils s’expriment », raconte Sophie Duponcheel.
L’objectif du projet n’est pas de culpabiliser les enfants, ni de leur imposer un modèle de consommation. « Ils me disent parfois “ce n’est pas nous qui décidons, c’est nos parents”. Alors, je leur dis : c’est normal, mais vous pouvez en parler à la maison. L’important, c’est d’être conscient. » Au final, la plupart des élèves souhaitent agir, à leur échelle : faire des échanges de vêtements, en acheter moins, etc. En témoigne Élise, 10 ans : « Avant, je me demandais juste si un vêtement était joli ou pas. Maintenant, je pense à tous les gens derrière. J’ai aussi compris que je n’ai pas besoin d’avoir plein de vêtements, mais des vêtements que j’aime vraiment et que je vais porter longtemps. »
