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Article Symbioses

Des écoles secondaires en mode durable

Des écoles secondaires en mode durable

Des écoles secondaires en mode durable

Octobre 2025, un article de Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°145 : Fast fashion : un modèle à détricoter

Atelier couture, friperie, défilé de seconde main, animation sur les impacts de la fast fashion… Exemples d’activités menées dans des écoles secondaires, au fil d’une journée ou de l’année, pour inciter à s’habiller de façon plus durable.


©Sophie Lebrun

Photo ©Sophie Lebrun

Chaud dehors. En cette matinée du 1er juillet, le centre-ville liégeois ondoie sous 35 degrés, un air de vacances et l’atmosphère un peu fébrile des soldes. Contraste saisissant avec la fraîcheur, l’activité continue et l’esprit slow fashion qui émanent d’un local voûté, au sous-sol du collège Saint-Barthélemy.

Avec enthousiasme et application, Léa, Stella, Kawtar et Manpreet, élèves de 5e et de rhéto, fouillent dans des caisses remplies d’étoffes, dessinent, coupent, épinglent et finalement cousent. Ici des cotons démaquillants lavables et réutilisables, là un « wrap » (emballage) à tartines, ou encore une trousse de toilette. De précédentes réalisations sont exposées sur une table : housse pour ordinateur portable, « tote bag » (sac fourre-tout), plumier, chouchou pour les cheveux…

Made in Belgium et réutilisables

Bienvenue à l’atelier couture de l’école. L’activité, organisée par l’écoteam (1) du collège, est proposée un mercredi après-midi par mois à tou·tes les élèves et membres du personnel. Sous la houlette de Véronique Goosse, bénévole férue de couture, et de Thérèse Surinx, prof de sciences et coordinatrice de l’écoteam, on y apprend à manier l’aiguille et la machine. On vient y réparer, ajuster ou ornementer un vêtement ; ou créer de toutes pièces des objets en textile… Pour soi ou à offrir : « Un garçon est venu fabriquer une pochette pour sa maman. Une élève a brodé un prénom sur un bavoir acheté pour une naissance », raconte Thérèse Surinx.

« Ça change comme activité. C’est manuel. On crée des choses nous-mêmes, se réjouissent Léa et Stella. Et savoir coudre et réparer, c’est utile pour la vie de tous les jours. » Un tel atelier est aussi utile sur le plan écologique. Il en sort, d’une part, des créations confectionnées localement, souvent conçues en tissu de récup, et offrant une alternative à des objets à usage unique (cotons jetables, papier alu, sacs plastiques, etc.). Et, d’autre part, des habits promis à une nouvelle vie : de quoi éviter l’achat de vêtements neufs.

Au fil de l’atelier, les participant·es s’échangent leurs bons plans : l’ouverture d’une nouvelle friperie en ville, des pièces dénichées dans la garde-robe de maman (« Ce débardeur que je porte, là, elle ne le mettait plus ») ou encore la grand-mère d’une copine qui réalise de jolis tops en crochet – « c’est à la mode, et ça donne envie de se mettre au crochet ».

Sensibiliser dès la 1re année

L’atelier couture est l’une des facettes de la thématique textile développée à Saint-Bar, un établissement labellisé Ecole Durable depuis 2009 (2). « Lors de la Semaine de l’éducation au développement durable, les élèves de 1re année sont sensibilisés à la slow fashion. C’est important de leur en parler à l’âge où ils commencent à acheter certains vêtements eux-mêmes. Pour qu’ils réfléchissent à deux fois avant d’acheter », souligne Thérèse Surinx. L’animation, donnée par des professionnelles pratiquant l’upcycling, le troc et la location de vêtements, allie information (impacts de la fast fashion, place du vêtement dans notre société…), témoignages et initiation à la couture (3). En 2e année, les élèves visitent le centre de tri textile de l’ASBL Terre (lire Dans l’antre du tri). « L’écoteam organise aussi, un dimanche par an, un vide-dressing, une conférence et un atelier ouverts aux extérieurs », prolonge Virginie Conceição, prof de langues.

« Le documentaire The True Cost (4), raconte-t-elle, m’a ouvert les yeux sur les coûts humains et environnementaux de la fast fashion, et sur le système capitaliste et consumériste qui l’entretient. J’ai décidé de ne plus acheter de vêtement neuf, et ce thème est devenu mon cheval de bataille. J’ai intégré le documentaire dans mes cours. Dans l’espoir de conscientiser les élèves à une autre manière de consommer. »

Grands déballages sur les réseaux

Pas si évident, cela dit. Il faut contrer quelques freins et a priori. « Ils me disent souvent “la seconde main, c’est sale”. Mais le vêtement neuf, produit dans des conditions désastreuses et portant des résidus de pesticides, est-il “propre” ? Certains trouvent aussi qu’il n’est pas facile de changer les habitudes familiales. Ou de renoncer au shopping, qui est pour eux un hobby. »

Manpreet, élève très impliquée dans l’écoteam, pointe un autre élément important : les réseaux sociaux. Sur TikTok, Youtube et autres canaux chers aux ados, pullulent « des influenceurs qui font régulièrement des “hauls d’achat” : dans ces vidéos, on les voit déballer et présenter plein de vêtements. Beaucoup d'entre eux sont sponsorisés par des marques, c’est du placement de produit. L’objectif est de donner envie d’acheter, encore et encore – tout comme les algorithmes qui nous guident sur Internet. Notez qu’il y a aussi des influenceurs (mais beaucoup moins nombreux) qui mettent en avant les friperies. Les friperies, souligne-t-elle, il y en a plus que je le pensais, et on n’y trouve pas que des trucs de vieux. »

Manpreet a réalisé un diaporama de 7 minutes sur la consommation textile (infos, quizz, conseils et adresses), pour animer le « dimanche vide-dressing » organisé par l’école. « Des enseignants rencontrés lors du Forum des écoles en Développement durable ont demandé à pouvoir l’utiliser à leur tour », souligne Thérèse Surinx.

De fil en aiguille, la sensibilisation s’étend, des liens se tissent.


(1) Une écoteam est un groupe d’élèves et de membres de l'équipe éducative d’une école qui sensibilisent leurs pair·es aux enjeux environnementaux et de développement durable.
(2) Un projet/label organisé par l’asbl Coren (voir notre sélection d'adresses utiles).
(3) Une animations proposées par l’asbl Fil & Fringue (voir 
notre sélection d'adresses utiles).
(4) The True Cost, YouTube, 2022.


Un défilé slow fashion

En 2024, l’école secondaire des Ursulines, à Mons, a consacré un jour de sa Semaine Transition à la slow fashion. Au menu : une exposition (empruntée à Oxfam), une friperie-troc (ciblée ados) et, sur le temps de midi, un défilé dédié à la seconde main. Ce défilé, auquel ont pris part des élèves, des enseignant·es et des membres de la direction, « a fait un tabac », se souvient Aurélie Lepièce, prof de langues active dans le Groupe Transition de l’école. « C’est un événement très rassembleur, joyeux, et par ailleurs très visuel, qui marque les esprits, souligne-t-elle. Sans compter que le textile est un thème qui touche tous les ados : leur tenue vestimentaire fait partie de leur identité (marquée par l’appartenance au groupe ou le souhait de s’en démarquer), ils sont de gros consommateurs de vêtements, et c’est un domaine où ils ont le sentiment qu’ils ont un pouvoir d’action direct. »

Originalité : le défilé était rythmé par différents thèmes. Vêtements chinés (en friperie ou en brocante), récupérés (pas mal, ce gilet hérité de grand-père !), loués, Y2K (mode des années 2000) ou encore upcyclésOn a pu découvrir les talents de couturière de la secrétaire, qui coud des robes dans l’étoffe d'anciennes tentures »).

Un point d’attention à relever, pour qui voudrait se lancer ? « Beaucoup d’élèves n’ont pas osé défiler. Mais après l’événement, voyant qu’il était approuvé par leurs pairs, ils se disaient partants pour une prochaine édition ! »   S.L.

Le zéro déchet sous l’angle textile

« Le vêtement est un thème qui resurgit souvent, à la demande des élèves », témoigne Stéphanie Bollandelli, prof de français/religion et membre de l’écoteam au Collège Notre-Dame de Gemmenich.

En 2024-2025 par exemple, ce thème s’est faufilé dans les activités de l’école, en lien avec celui du déchet sur lequel l’écoteam avait mis le focus. Il est vrai que la logique « refuser - réparer - réutiliser - recycler » s’applique bien au vêtement. « L’écoteam a organisé, lors de la journée portes ouvertes, un petit vide-dressing, doublé d’un jeu “problèmes et solutions” sur la fast fashion et d’un atelier de fabrication de tawashis (éponges créées avec des textiles de récup) ». Un vide-dressing est aussi l’occasion de rappeler que l’achat de vêtements de seconde main en direct est, écologiquement, préférable à l’achat via Internet (« les ados sont à fond sur Vinted »), qui engendre des émissions de CO2 liées aux transports et une tendance à surconsommer. Par ailleurs, s’inscrivant dans la trame zéro déchet, « une enseignante a décidé de coudre des nappes en tissu, pour remplacer les nappes jetables utilisées lors des événements de l’école. »

En 2019, le thème de l’année, Résiste, avait déjà inspiré des actions de sensibilisation à la fast fashion (notamment via une expo d’achACT). Et en 2022, le thème de l’eau avait été l’occasion d’expliquer que la production de vêtements en consomme énormément.   S.L.

Une friperie dans l’école

Certaines écoles ont leur propre friperie, généralement gérée par l’écoteam. C’est le cas au Collège Notre-Dame de Dinant, où ledit magasin de seconde main fonctionne avec succès depuis trois ans. Durant les temps de midi, élèves et enseignant·es peuvent y déposer (en vente ou en don) et y acheter des pièces à petit prix. Des habits et accessoires « en tous genres – du sweat à la robe de soirée – et de tous styles. On prend tout ce qui est propre, en bon état et récent, ou parfois rétro », explique Isabelle Clébant, prof d’histoire de l’art et de religion. Objectif : « proposer une alternative à la fast fashion et faire évoluer les mentalités. Certains sont surpris de voir qu’en seconde main, on trouve des vêtements nickel et parfois de marque. Ils découvrent aussi que ce mode de consommation peut être habituel : des élèves suédois, en visite dans l’école, ont dévalisé notre magasin. »

La friperie est un point de départ. L’écoteam – soutenue par GoodPlanet* – a noué des liens avec d’autres acteurs dinantais de la seconde main. Entre autres aspects de cette collaboration : des élèves s’apprêtent à donner un coup de main aux magasins Oxfam et Croix-Rouge. Par ailleurs, « des élèves préparent une animation pour sensibiliser leurs pairs aux dégâts de la fast fashion et aux gestes à privilégier. » Le premier geste étant d’acheter moins – que ce soit en première ou en seconde main.   S.L.

*Coaching Goodplanet

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