Article Symbioses

Prospective : à vos ateliers

Mai 2024, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°140 : Futur incertain - Anticiper et s’adapter

La prospective (élaborer des scénarios souhaitables pour nos vies futures), c’est l’affaire de toutes et tous. Le CRIE de Mouscron a créé Prospectiv Lab, une « ressourcerie » d’outils pédagogiques sur ce thème (1). Entretien avec son coordinateur, Gatien Bataille.

Comment définir la prospective ?

C’est une démarche qui vise à préparer, à penser demain, et qui est tournée vers l’action. Dans notre approche, la prospective consiste à imaginer des futurs souhaitables, pour travailler dès aujourd’hui à leur réalisation. Cela, en élaborant des scénarios possibles et impossibles, en partant de ce qu’on sait, de l’existant – on n’est pas dans la divination.

Pourquoi invitez-vous chacun·e à y participer ?

Pour sortir des ornières, s’ouvrir l’esprit. On a tendance à se laisser enfermer dans les constats d’effondrement de notre société et dans le technosolutionnisme, très présents dans les discours dominants ; et, d’autre part, à penser que la prospective est l’affaire d’experts, du monde économique (quel est le nouveau produit qui va se vendre demain, comment me positionner par rapport aux concurrents, etc.). On subit, on ne s’autorise plus à rêver. Or, en tant que citoyens, collectivités, on a du pouvoir sur le futur. Et si on réfléchissait, ensemble, à ce qu’on veut, et aussi à ce à quoi on est prêt à renoncer ? Une fois qu’on a rêvé de quelque chose, c’est plus facile de se mettre en action.

Concrètement, à qui est destiné votre outil Prospectiv Lab et qu’y trouve-t-on ?

Il est destiné aux animateurs, aux enseignants et autres porteurs d’action (collectifs citoyens, etc.) désireux de faire de la prospective avec des groupes. Il les aide à réaliser une séquence éducative sur ce thème ou à ajouter une touche de prospective à leurs animations. Prospectiv Lab existe sous deux formes : une plateforme numérique et un « jeu » de 70 cartes. On y trouve un ensemble de concepts et de points de vigilance, et 40 fiches d'animation – dont un certain nombre d’outils d'animation « classiques » mais qui, combinés avec d’autres, créent une démarche de prospective. Nous avons identifié quelques ingrédients phares de la prospective. Notamment la nécessité d’appréhender le temps long – une compétence énorme à re-secouer, soit dit en passant, car se projeter dans 20 ou 30 ans n’est pas évident pour l’esprit humain. Ou encore l’importance d’adopter une vision systémique.

L’idée est que la plateforme s’enrichisse d’autres propositions d’animations et de nombreux retours d’expériences. Par ailleurs, nous proposons des formations à cet outil.

Un exemple de retour d’expérience ?

Des étudiants en dernière année d’ingénieur, accompagnés par un formateur, ont vécu trois demi-journées d’animations qui ont bousculé leurs habitudes. La méthode du Casque des futurs, qui permet une approche sensible, qui « fait vivre » des scénarios futurs (2), les a émus. Et via la Fresque du renoncement, ils se sont plongés dans l’idée qu’un futur souhaitable (respectant les limites planétaires) suppose de devoir renoncer à un certain nombre de technologies, et pas seulement d’en créer de nouvelles.

(1) www.prospectiv.be et l'outil Prospectiv Lab
(2) Une personne tire une carte Futur probable, enfile un casque occultant et décrit le futur qu’elle imagine, en répondant aux questions d’un·e autre participant·e sur ce qu’elle voit (lieu, façon de vivre…), ce qu’elle ressent, etc. Un·e troisième représente ce vécu en mots ou en dessins.