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Article Symbioses

Adapter nos territoires

Adapter nos territoires

Adapter nos territoires

Mai 2024, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°140 : Futur incertain - Anticiper et s’adapter


Créés par des associations (éducativo-)environnementales, une formation et des outils méthodologiques aident les communes à renforcer leur résilience.

 


Dans la salle de séminaire du Théâtre de Liège, une vingtaine de personnes se plongent dans un exercice de mise en situation. Il s’agit d’« identifier, dans la commune donnée, deux fonctions (logement, agriculture, mobilité, etc.) que vous voudriez renforcer, ou au contraire que vous souhaiteriez réduire ou transformer ; cela, afin d’augmenter la résilience du territoire. Aidez-vous du diagnostic détaillant ses forces et ses vulnérabilités », indique Marie-Céline Godin, de l’Institut Eco-Conseil.

« Que pensez-vous d’explorer des mesures pour renforcer les transports en commun ? », lance un participant à son groupe. Aux tables voisines, on discute plutôt de création de zones d’activité mixte sur des friches, ou encore de soutien à la culture, facteur d’émancipation et de socialisation.

Nous sommes à mi-parcours du cycle de formation Adapter les territoires face aux changements globaux (lire-ci-dessous). La plupart des participant·es sont conseiller·es en aménagement du territoire, en environnement ou en énergie/climat (le groupe compte aussi deux élu·es), issu·es de communes aux profils très variés.

Cette séance de février les plonge dans les concepts de robustesse (lire l'article) et de sobriété appliqués à l’aménagement du territoire, ce que certain·es appellent ménager le territoire. L’accent est mis sur quelques principes-clés, expliqués par Aurélie Cauchie (Canopea) : la logique éviter - réduire - compenser les impacts négatifs sur l’environnement ; l’urbanisme circulaire (réutiliser des bâtiments existants) ; le renforcement des réseaux écologiques ; l’importance de la dimension sociale des infrastructures. Ou encore la recherche de cobénéfices dans la mise en œuvre d’actions en faveur de l’environnement (la préservation des tourbières, par exemple, est bénéfique tant pour la biodiversité que pour absorber le CO2 et pour retenir les eaux).

Mieux se préparer et s'adapter

L’un des outils de diagnostic utilisés dans le cadre de la formation a été créé dans le cadre du projet HOMEOS, axé lui aussi sur la résilience territoriale (lire ci-dessous).

« On a commencé à l’imaginer au tout début 2020 », indique Marie-Céline Godin. Donc avant les inondations de 2021, et même avant la crise Covid, le confinement et les situations chaotiques qui en ont découlé ; des événements qui n’ont fait que conforter le projet. « En Belgique, on manque de culture du risque (1), nos territoires ne sont pas prêts à faire face à un choc, à une rupture de normalité dans le fonctionnement de nos systèmes socio économico-environnementaux, à des crises dues aux dérèglements climatiques, à la pollution, à la chute de la biodiversité, à la mondialisation… Or, on sait que les limites écologiques planétaires sont dépassées, et que le système Terre est donc susceptible de répondre de manière chaotique. Dans ce contexte, il faut se demander comment s’organiser pour être capables de répondre aux besoins fondamentaux, ceux des humain·es et ceux des écosystèmes, aujourd’hui et demain. On manque aussi de personnes formées à la prospective, démarche qui consiste à imaginer et préparer le futur. » D’où l’idée de créer d’une part des outils, et d’autre part une formation, axés sur l’anticipation, l’adaptation et la transformation. Cela, en privilégiant l’échelle locale, celle d’une commune ou d’un groupe d’action locale (GAL).

Effet de contagion

Chaque journée de formation intègre une variété d’approches : « Il y a des apports théoriques, de la mise en pratique, la découverte de méthodologies et d’outils pertinents, des exemples de projets réalisés… Le cycle inclut aussi des sorties de terrain, encadrées par des acteurs associatifs. » Une attention particulière est accordée aux échanges et à la dynamique de groupe.

« L’idée est de développer un réseau de partages et d’entraide entre pairs, qui pourra perdurer au-delà du cycle de formation », explique Aurélie Cauchie.

Certaines approches ont suscité beaucoup d’enthousiasme. Le diagnostic en marchant ou marche exploratoire, par exemple, qui consiste à arpenter un quartier, en l’observant attentivement, en utilisant ses sens et sa subjectivité, et en discutant avec différents acteurs (habitant·es, élu·es, professionnel·les divers…).

Comme le souligne une participante, « les chiffres, c’est une chose ; la perception du territoire, le ressenti, c’en est une autre. Et c’est intéressant de se confronter à différents points de vue sur son propre territoire ».

La séance de jeu Mission : Résilience, un serious game qui met en avant l’importance d’une approche systémique (lire "Imaginer la ville de demain", Symbioses n°139), a aussi beaucoup plu. Plusieurs participant·es ont même demandé à se former au jeu pour animer à leur tour des séances, dans leur commune et parfois au-delà. Ils et elles envisagent de mettre ainsi autour de la table des agents de différents services (« On travaille trop de manière cloisonnée, dans les administrations »), de convier des élu·es (« Certains sont encore réticents par rapport à la résilience, à la Transition... ») ou encore des citoyen·nes.

Cela, dans l’espoir de créer une contagion des principes de la résilience.

En attendant, constatent les formatrices, le cycle Adapter les territoires suscite lui-même pas mal d’intérêt. Il est donc question de le reprogrammer, mais aussi d’en créer « une version adaptée à d’autres publics : des associations environnementales, des collectifs citoyens, des acteurs sociaux… ».


(1) La culture du risque « vise à partager, avec l’ensemble des acteurs d’un territoire, la connaissance des risques passés, actuels et à venir, afin de renforcer leurs capacités d’anticipation, de réaction et de collaboration en situation de crise » (www.cerema.fr).

Photo : ©Espace Environnement

Photo : ©Espace Environnement
Dans le cadre de la formation, les participant·es – ici à Charleroi – réalisent un « diagnostic en marchant ».


Adapter les territoires face aux changements globaux :

un cycle (gratuit) de 7 journées de formation (à suivre à Liège, à Charleroi ou à Namur) + 2 intervisions + 8 journées à la carte dans différents milieux (semi)-naturels. Destiné aux agents et élu·es communaux. Organisé par Canopea (fédération wallonne des associations environnementales), les associations Espace Environnement et Institut Eco-Conseil (IEC) et le bureau ICEDD (voir Adresses utiles), avec le soutien de la Wallonie (via le Plan de relance). https://academia-transitions.be/nos-formations

La méthodologie HOMEOS

aide une commune à établir un diagnostic (analyse des vulnérabilités et forces) et à élaborer une stratégie qui augmente sa résilience ; cela, en menant un processus participatif associant des acteurs professionnels (commune, police, social, culture…) et des citoyen·nes. Cette méthodologie a été testée en 2022-2023 dans le cadre d’accompagnements menés dans 2 communes, 2 groupes d’action locale (GAL) et 1 territoire pluri-communal. Un projet mené par l’IEC, Espace Environnement et Energie Commune. www.eco-conseil.be/renforcer-la-resilience-de-vos-territoires

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