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Article Symbioses

Emotions - Quelle posture éducative ?

Emotions - Quelle posture éducative ?

Emotions - Quelle posture éducative ?

4è trimestre 2018, un article de Maëlle Dufrasne, formatrice à l’Institut d’Eco-Pédagogie
Un article du magazine Symbioses n°120 : Quelle place pour les émotions ?

Quelle est la place des émotions en éducation à l’environnement et comment l’animatrice ou l’enseignant peut-il les gérer ? Faut-il montrer ses émotions à son public ?  Où placer les limites entre éducateur et psychologue ? (1) Témoignage de Maelle Dufrasne, formatrice à l’Institut d’Eco-Pédagogie.


©pexels-photo-1230157

Lors d’activités d’éducation à l’environnement, quand on est confronté·e à des gens différents entre eux et différents de soi, les émotions en présence sont presque toutes différentes. En tant qu'animatrice, je ne sais donc pas précisément ce que je vais provoquer. Dès lors, je lâche prise sur une partie de ce qui va se passer. Une partie seulement, parce que je peux imaginer certaine empreinte collective si je connais un peu mon public. Marcher dans les bois et dormir à la belle étoile sont sources de plaisir pour moi. Dans mes projections, ça pourrait être le plus chouette cadeau… Un cadeau empoisonné pour plein de gens qui ont pourtant une grande conscience environnementale. Une animatrice me racontait avoir voulu prendre en main un insecte inoffensif lors d'une balade dans les bois. Dans le public, certains migrants ont eu terriblement peur : chez eux, la plupart des insectes sont dangereux. Dans ces conditions, l'émotion provoquée, trop intense, peut freiner l’introduction à une activité sensorielle ou d’observation naturaliste. Par contre, on peut en profiter, par exemple, pour mettre nos perceptions du danger en perspective et rebondir sur une activité liée à l'imaginaire de la peur.

Accueillir les émotions des autres, et les siennes

Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas ce qu'on va provoquer qu'il faut s'empêcher de susciter ou de ressentir des émotions fortes. Reste à les accueillir, à donner de la place et du temps à leur expression, pour les autres et pour soi-même. Proposer un espace suffisamment sécurisant donnera au public la possibilité de découvrir, d'apprendre, de progresser sur le chemin de ses émotions, dans sa relation à l’environnement. Il existe de nombreux jeux pour déposer les émotions ou pour formaliser l’idée que chacun·e peut ressentir les choses différemment (2).

Mais avant d’accueillir les émotions des autres, l’animateur ou l’animatrice peut aussi sonder les siennes. A commencer par celles qui l’ont amené·e à faire ce job ou à aborder telle thématique. Quelles émotions sous-tendent notre engagement et notre discours ? Est-ce la colère face à un monde injuste, la peur du futur, la joie de faire découvrir la nature ? Sans pour autant se psychanalyser avant chaque animation, se poser la question de ses propres émotions face à telles thématiques ou situations, aide à comprendre et accepter que la personne en face de soi n'a pas la même histoire et ne ressent peut-être pas la même chose. Comprendre son propre mécanisme émotionnel permet aussi d'avoir une posture critique par rapport aux émotions du groupe. Par ailleurs, nos émotions peuvent influencer l’impact de nos animations.

Quelle émotion pour quelle action ?

Mettre en place des moyens d'exprimer ou de déposer les émotions va me donner la température du groupe et me permettre d'en percevoir les limites : quelle était la proposition de départ ? Est-ce que la proposition est suffisamment souple et doit-elle être adaptée ? Suis-je capable d’assumer moi-même mon  émotion au moment où je fais la proposition ?

Sur des thématiques qui « prennent aux tripes » - effondrement, climat... - on prend parfois  tellement en compte les émotions que le passage à l'action peut passer à la trappe. Pour moi cependant, une activité d’éducation relative à l’environnement (ErE) ne peut se satisfaire d’une contemplation de nos émotions. Le rôle de l’éducateur ou de l’éducatrice en ErE est de mettre son public en réflexion, en mouvement.  A ce titre, tout comme la peur n'immobilise pas nécessairement, le plaisir ou le sentiment positif ne suscite pas nécessairement l'action.

Enfin, que l’on suscite émotions positives ou négatives, avec ou sans passage à l'action, tout cela n’existe qu’au travers d’une relation : la relation à la personne et au groupe comme base de la construction du cadre de sécurité, de la confiance. Cette relation dont l'émotion est le coeur conditionne le partage et l'apprentissage. C’est à cette relation qu’en tant qu’éducatrice je donne toute mon attention. Emotions, actions, sensations, apprentissages naissent nécessairement dans la relation.


(1) Ces questions ont été posées par les participant·e·s au colloque « Les émotions dans notre relation à l’environnement », organisé par l’Institut d’Eco-Pédagogie (IEP) en 2016.
(2) Voir nos outils pédagogiques. Certains de ces outils ont été testés lors de la formation « Animer en accueillant ses propres émotions et celles des participants » organisée par l’IEP, à Liège, les 3 et 6 décembre 2018. 

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