Se parler sans (s’)écraser
Se parler sans (s’)écraser
Mai 2021, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°130 : Oser les questions vives
La Ligue des droits humains initie les élèves et les citoyen·nes à l’argumentation et à l’art de débattre sereinement.
« Le mot “débattre” me bloque, parce qu’il y a dedans le mot “battre”. Il évoque pour moi les débats politiques où on assiste à un dialogue de sourds. » Ainsi s’exprimait une participante, au moment d’entamer la formation L’argumentation comme outil d’action animée par la Ligue des droits humains (LDH) début février (1). Précisément, cette association d’éducation permanente propose aux citoyen·nes et aux classes d’« apprendre à argumenter pour se parler sans (s’)écraser ».
Car il y a débat et débat. « Si l’unique but est de convaincre l’audience que notre point de vue est le seul valable, le débat sera stérile, expliquent Olivier Boutry et Nadja Wyvekens, formateur et formatrice à la LDH. Mais il est possible de pratiquer un autre type de débat, où l’on se montre capable d’échanger, de s’écouter, d'accepter que plusieurs opinions peuvent coexister, et de remettre peut-être en cause ses propres certitudes. »
En toile de fond, les droits fondamentaux
Ces principes guident les rencontresJeunes & Politique organisées deux fois par an par la LDH. Elles réunissent, durant quatre jours, 7 ou 8 classes de 5e et 6e secondaire d’écoles bruxelloises (2). « L’apprentissage de l’argumentation, via le dispositif de joutes verbales » en est un ingrédient-phare, qui permet « d’exercer sa liberté d’expression de manière assertive et efficace, et de développer la confiance en soi », indique Olivier Boutry. Mais ce n’est pas le seul objectif : « La rencontre entre jeunes de différentes écoles et la sensibilisation aux droits fondamentaux » sont également au cœur du projet.
Par le biais d’animations et d’ateliers scéniques, les élèves découvrent des sujets de fond, d’une part, et des techniques d'expression orale et d'argumentation, d’autre part, via différents dispositifs : « Moi, à ta place », jeu du bocal, débat mouvant... et enfin joutes verbales. Les groupes mêlent des jeunes de divers quartiers, écoles et parcours – pour varier les visions du monde. De quoi enrichir les débats. Ceux-ci portent sur des questions complexes : « Faut-il souhaiter une société sans vidéosurveillance ? », « Faut-il admettre la désobéissance civile face à une loi considérée comme illégitime ? », « Faut-il mettre en place des dispositifs de discrimination positive dans les écoles ? »
Cadre bienveillant et écoute active
Les élèves apprennent à poser un cadre de débat bienveillant (« On respecte l’autre, on n’utilise pas d’argument ad personam »), à pratiquer l’écoute active, à objectiver leur ressenti et à construire leurs arguments. « On est ici dans le contexte d’un apprentissage. On est conscient – et on leur dit – qu’un débat très bienveillant, ce n’est pas si évident dans la vraie vie, tout comme le fait d’être totalement d’accord ou pas du tout d’accord avec une proposition », poursuit Olivier Boutry, allusion au dispositif de joute verbale qui oppose un groupe « pour » et un groupe « contre ». En attendant, l’exercice « permet d’aller au bout de l’argumentation ». A noter qu’un jury est présent lors des joutes, non pas pour établir un classement des performances, mais pour « donner un retour constructif aux équipes, sur le fond, la forme et la dynamique de groupe ».
(1) A l’initiative d'Education Environnement. Nouvelles dates les 14 et 15 juin 2021. Infos : www.education-environnement.be/formation
(2) Cette année, en raison du Covid, le projet s’est limité à deux animations dans chaque classe. Prochaines rencontres Jeunes & Politique : en octobre 2021 (complet) et mars 2022 (infos : www.liguedh.be/jeunes-et-politique - formation@liguedh.be).
Photo : Camille Van Durme