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Article Symbioses

Ecouter la nature chanter

Ecouter la nature chanter

Ecouter la nature chanter

Juin 2025, par Corentin Crutzen
Un article du magazine Symbioses n°144 : Environnement sonore - tendez l'oreille

Dès l’arrivée du printemps, une symphonie invisible se déploie dans nos villes et nos campagnes. Mais qui sont ces interprètes matinaux ? Partons à l'écoute de ces chanteurs en compagnie de l’ornithologue Romain De Jaegere.


©Corentin Crutzen

Photo ©Corentin Crutzen

« J’ai un grand jardin où il y a beaucoup d’oiseaux et je me demande toujours : qui est-ce qui chante ? » Pour Nathalie, comme pour tant d'autres, l'envie de mettre un nom sur ces chants d'oiseaux est forte. C'est cette curiosité qui l'a menée, avec une dizaine d'autres participant·es, à une journée d'initiation à la reconnaissance des chants des oiseaux, organisée par le Centre de Revalidation des Espèces Animales Vivant à l'État Sauvage (CREAVES) de Namur. « Nos parents savaient reconnaître les oiseaux par leurs chants, mais nous plus du tout et je trouve ça vraiment triste », enchérit Nicole, venue accompagnée de sa fille.

C’est sur le parking de l’abbaye de Floreffe, baigné de soleil et du gazouillis des oiseaux, que le petit groupe s’est rassemblé pour débuter la balade. Romain de Jaegere, biologiste de formation et coordinateur du CREAVES de Namur, se donne pour objectif de permettre aux participant·es de reconnaître le chant de quinze espèces communes de nos régions d’ici la fin de la journée. Ce passionné d’ornithologie depuis son plus jeune âge s’est spécialisé dans la reconnaissance des mélodies aviaires. « Très vite, j'ai compris que les chants et les cris sont de précieux indices pour identifier les oiseaux », explique-t-il. Habitués à se fondre dans leur environnement, les piafs se montrent souvent discrets. Même avec de bonnes jumelles, les observer et identifier leurs caractéristiques physiques demande une certaine expertise. L'oreille devient alors un outil puissant : en s'entraînant à décrypter leurs mélodies, une identification plus aisée devient possible.

Concert printanier

Le printemps offre un cadre idéal pour s'initier à la reconnaissance des chants et à l'observation des oiseaux. Période de reproduction oblige, les mâles rivalisent de vocalises pour attirer les femelles et défendre leur territoire. L’aube et le crépuscule sont des moments à privilégier pour s’entraîner à l’écoute. 
Romain attire justement l'attention du groupe sur une mélodie particulière, émanant du sommet d’un toit. « Écoutez, le début est perçant et s'achève sur une sonorité évoquant un papier que l'on froisse », décrit-il. C'est le chant caractéristique du rougequeue noir. À l'aide de sa longue-vue, il scrute la toiture de l'abbaye, offrant ainsi aux participant·es l'opportunité d'observer ce petit passereau élégant, reconnaissable à son croupion roux. Pour Romain, l'association du son à l'image est essentielle, « cela permet de mieux retenir ».

Des moyens mnémotechniques pour s’aider

Comme le « papier froissé » qui aide à identifier le rougequeue noir, la reconnaissance des chants s'appuie souvent sur des analogies amusantes. Vous avez peut-être déjà entendu le joyeux « tchif-tchaf » du pouillot véloce, le surprenant « rire maléfique » du pic vert ou l'insistant « plus vite, plus vite » de la mésange charbonnière ? Autant d'astuces sonores qui facilitent grandement la mémorisation. « Reconnaître les chants d’oiseaux, c’est assez compliqué, confie Romain,  mais le fait d’être en groupe, de répéter plusieurs fois les informations et de donner des petits moyens mnémotechniques permet aux gens de les reconnaître et de les retenir plus facilement. » 
Fréquemment rencontré, le minuscule troglodyte mignon surprend par la puissance de son chant, invariablement ponctué d'un trille. Malgré sa petite taille, sa voix porte loin. Pour faciliter son identification, Romain utilise sa tablette, diffusant son chant et présentant des photos et des illustrations. « La tablette est un outil précieux car elle permet de visualiser les oiseaux que l'on entend, compensant la difficulté de les observer directement aux jumelles », explique-t-il.

Et des applications bien utiles

Sur sa tablette, Romain utilise la version numérique du célèbre Guide ornitho des éditions Delachaux et Niestlé. Plus besoin de se balader avec un volumineux livre dans son sac, tout tient désormais dans ce petit format. « Et en plus, on peut directement faire entendre les chants et les cris des oiseaux, mais aussi montrer la carte de répartition, zoomer sur des détails du plumage, etc. ». En plus de distiller ses astuces de terrain, Romain conseille également ses applications favorites d’aide à l’identification des chants des oiseaux. « Avant, j’écoutais des CD dans ma voiture pour retenir les chants des oiseaux. Aujourd’hui, des applications d’identification, comme Merlin Bird ID, sont dotées d’une intelligence artificielle. C’est une aide précieuse pour les personnes qui se lancent seules, ça permet d’avoir une vérification qui rassure quand on débute », explique-t-il. Mais il avertit aussi : « Cela doit rester des outils d’aide à la mémorisation, qui permettent de progresser ! »
Les participant·es y voient en effet une solution intéressante quand on n’a pas un expert comme Romain sous la main. « Cela va m’aider à me poser dans mon jardin, matin et soir, pour m’entrainer à retenir les chants », affirme Thierry, vidéaste nature amateur. 
Nathalie le confirme : « Ce n’est pas évident de retenir tous ces chants. Je pense qu'il faut pas mal de pratique et ce n’est pas en une journée qu'on va pouvoir les reconnaître facilement. Mais avec toutes les petites astuces qu’il donne et l’application, je vais pouvoir me lancer chez moi. »

Pour s'initier sereinement à l'identification des chants, gazouillis, babils, piaillements et autres ramages, rien ne remplace l'immersion au cœur des sons de la nature, guidé·e par des professionnel·les (voir notre sélection d’adresse utiles) qui sauront affûter votre écoute et éveiller votre regard, pour percer les secrets de cette fascinante symphonie naturelle. En plus, il est démontré que les chants d’oiseaux sont bons pour notre santé… 

C’est cui-cui chante ?

Fort du succès du premier module de C'est cui-cui chante, le CRIE de Mouscron nous invite à tendre à nouveau l'oreille, sous forme de 10 leçons reçues par mail à intervalle régulier ! Ce deuxième parcours de formation, gratuit et en ligne, propose de reconnaître 10 nouvelles espèces d'oiseaux de nos régions par leurs chants. Chaque module combine de courtes vidéos présentant l'oiseau, ses chants et cris et des astuces mnémotechniques, sollicitant l'ouïe bien sûr, mais aussi la vue, le geste, le dessin... Une approche multisensorielle pour ancrer durablement les (re)connaissances. Entraînez-vous à votre rythme et devenez capable de distinguer les mélodies des (en)chanteurs qui nichent près de chez vous !

Infos et inscription : www.criemouscron.be/?PresentationCuicui 

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