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Aménager une prairie pour apprendre et jouer

Aménager une prairie pour apprendre et jouer

Aménager une prairie pour apprendre et jouer

 

 

Mai 2022, par Christophe Dubois
Un article du magazine Symbioses n°135 : Eduquer à l’environnement en maternelle


A Gentinnes, la communauté scolaire de La Petite Ecole a aménagé un bout de la prairie d’en face pour y accueillir la biodiversité. Toutes les classes l’utilisent désormais toute l’année, comme cour de récréation et cours d’éveil, entre légumes, mare, pré fleuri et terrain de foot.

 


« Prenez vos yeux d’explorateurs et allons voir ce qui a changé dans la prairie », propose Joffray Poulain à la classe d’accueil et de 1ère maternelle de La Petite Ecole, à Gentinnes. Chaque mardi matin, c’est le même rituel. Les élèves de Madame Charlotte ont cours d’éveil dehors avec Monsieur Joffray. Bottes aux pieds, la marmaille traverse la route étroite qui sépare l’école du terrain d’en face. Depuis deux ans, l’écrin de verdure a été progressivement aménagé par les élèves, leurs enseignant·es et leurs parents : douze buttes potagères en permaculture, une mare, un pré fleuri, un compost, une réserve d’eau, un terrain de foot, un espace d’aventure… « Oh, il y a une cabane en bois ! », s’exclament les enfants. C’est la nouveauté du week-end dernier : les parents et enseignant·es ont construit le plancher d’une future « classe du dehors » (sur pilotis et avec toit en toile), guidé·es par trois papas menuisiers. 

L’histoire de cette oasis est belle. Dimitri Crickillon, directeur de l’école et ancien animateur nature, nous la raconte : « Quand on a reçu la pâture en prêt, on s’est dit avec Joffray – alors instituteur en 6e primaire, mais aussi guide nature – qu’on pourrait en faire un lieu d’éveil et d’éducation à l’environnement, sous forme de projet collaboratif intergénérationnel ». Puis, quelques coups de pouce ont concrétisé l’idée. « Une élève de 6e primaire a rencontré une architecte paysagiste et a proposé quelques aménagements dans le cadre d’un travail de fin d’études primaires. » Ensuite, il y a les conseils d’un voisin, as du jardinage. Enfin, La Petite École de Gentinnes est l’une des 470 écoles ayant bénéficié de l’accompagnement et de l’aide financière de l’appel à projets wallon Ose le vert, recrée ta cour, visant à amener plus de biodiversité, de contact avec la nature et de convivialité dans les espaces extérieurs des écoles. « Avec l’aide de tout le monde, et surtout des 220 élèves, on a réalisé ce qui est là : un espace de jeu et de découverte de la biodiversité. Joffray y donne la plupart des cours d’éveil, de la classe d’accueil à la 6e primaire, en collaboration avec ses collègues. Le fait de consacrer un poste d’instituteur à ça, c’est compliqué, mais c’est hyper précieux. »

Conjuguer la nature au temps présent

Pour l’heure, les petits curieux de madame Charlotte auscultent les bacs potagers. « Là, il y a une nouvelle fleur. » « Une coccinelle sur mon doigt ! » Ils approchent leurs narines. Les aromatiques ne sont pas là par hasard. Ni les fraises, concombres ou radis à déguster sur place. C’est pour sentir, goûter, toucher. « En maternelle, c’est important de s’imprégner d’abord par ses sens, avant de vouloir poser une étiquette, explique Joffray Poulain. Le potager permet de comprendre les cycles de vie des végétaux, de la graine à l’assiette. On comprend le rôle de la biodiversité, des amis et des ennemis du potager. » D’ailleurs, aujourd’hui, l’enseignant aborde l’anatomie de la limace. Voilà les enfants en train de ramper comme cet animal, puis d’enlever le paillage autour des légumes et de déménager les gastéropodes vers le pré fleuri. « Là, elles peuvent manger ce qu’elles veulent… ou se faire manger. Quels animaux mangent les limaces ? » « Mireille la corneille ! » Plus tard dans la semaine, les enseignant·es reviendront sur ces notions en classe, à l’aide d’un livre. 

Relier les notions

Au passage des élèves, des grenouilles plongent dans la mare.

« Ils savent qu’avant, c’était des œufs, puis des têtards, car on les a observés », commente Monsieur Joffray. S’il improvise volontiers en fonction des découvertes survenant in situ, l’enseignant naturaliste a le programme d’éveil – sciences, histoire, géo – en point de mire de toutes ses activités. Il l’a même affiché sur le mur de son local. En maternelle, les enfants ont par exemple abordé le squelette humain en partant de celui d’un oiseau, analysé le mouvement du soleil en observant leurs ombres, appris à se repérer dans l’espace sur base d’une maquette du terrain...

« On a aussi vu les états de l’eau grâce à la mare : gelée en hiver, elle s’évapore en été. On constate aussi la sécheresse au potager. Ça nous permet une première approche de la météo et des changements climatiques. En maternelle, on ne va pas trop loin, mais on y reviendra au fil des ans, forts de ce vécu. » Dimitri Crickillon confirme : « Donner ces cours dehors permet d’aller très loin dans des notions complexes et systémiques, plus que si on les voyait en classe ». 

La sonnerie annonce la récré. D’autres classes envahissent la prairie, slaloment entre les potagers, escaladent la butte d’aventure. Direction le terrain de foot, délimité par des palettes de récup’. « Le respect des lieux est naturel et spontané, aucune règle n’est nécessaire », constate le directeur. Les graines d’éco-citoyenneté germent déjà…

Pour en savoir plus : www.oselevert.be

 

Photo :  Dimitri Crickillon

Photo :  Dimitri Crickillon

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