Terrils en vue
Terrils en vue
Septembre 2024, par Christophe Piron
Un article du magazine Symbioses n°141 : Les friches, riche terrain éducatif
Des guides-terrils, citoyen·nes dûment formé·es, invitent le grand public à (re)découvrir ces espaces sous différentes facettes. Balade sur les hauteurs de Charleroi.
Charleroi, à quelques encablures du centre, sous la grisaille incongrue d’une matinée de juillet. Rendez-vous est pris au pied du terril (prononcez « terri » !) du Bayemont-Saint-Charles, avec Jean-Pol Nelequet et Annick Marchal : un accueil chaleureux pour une balade qui fournira bien vite des sensations époustouflantes. Jean-Pol et Annick sont deux des 80 guides-terrils (dits aussi ambassadeurs) formé·es dans le cadre du projet belgo-français Destination Terrils I (lire ici, p.23) (1). Une formation qui a permis à ces citoyen·nes d’acquérir diverses connaissances et compétences concernant la faune et la flore des terrils, la géologie, les paysages des sites miniers, le patrimoine, et les techniques d’animation. À présent, ils et elles mènent des visites passionnantes sur ces vestiges d’anciens sites industriels, dans ce pays(age) réputé « noir » autrefois mais qui, au fil du temps, s’habille de vert. Rien que le Pays de Charleroi compte 500 hectares de terrils. Depuis deux ans, l’ASBL Les Terril-bles (2), regroupant les guides-terrils de cette région, met un point d’honneur à faire découvrir leur richesse, tant sur le plan historique qu’en termes de biodiversité ou simplement comme lieux de promenade d’une beauté insolite.
Les terrils, témoins du croissant fossile
À la base du terril, un panneau didactique accueille le visiteur, l’informant de façon succincte sur le site, sa biodiversité et les possibilités de balades balisées. Mais qu’est-ce qu’un terril, au juste ? Il s’agit d’une colline artificielle née de l’accumulation de résidus lors de l’extraction du charbon. La Belgique en compte plusieurs centaines. Les plus anciens datent de la première moitié du 19e siècle, période de la grande prospérité industrielle de notre pays. Mais ce bassin minier belge s’inscrit dans une zone beaucoup plus vaste, poursuit Jean-Pol Nelequet : « A l’instar du croissant fertile qui fut le berceau de l’agriculture, on parle du croissant fossile, qui s’étend du nord de l’Angleterre à la Pologne et qui a permis la Révolution industrielle ».
Des chemins en pente douce permettent d’accéder facilement au sommet, offrant une vue à couper le souffle. On aperçoit notamment des structures anciennes d’usines et une succession de terrils, réinvestis par la nature. L’occasion pour nos guides d’aborder l’histoire économique et sociale de la région, les différentes formes de terrils ou encore la biodiversité du lieu, en lien avec la nature particulière du sol, noire et chaude : « on trouve ici le crapaud calamite, le crapaud accoucheur, des lézards, le criquet à ailes bleues, mais aussi le lapin, le chevreuil, le sanglier… ». Et que dire de la belle vipérine, une plante présente en masse cette année et colorant magnifiquement la colline de mauve.
Les terrils doivent-ils faire l’objet d’une gestion particulière ? « Il est utile de limiter les espèces invasives et maintenir des milieux ouverts, pour éviter d’en arriver à des espaces exclusivement forestiers, et ainsi conserver une biodiversité singulière », répond Annick Marchal.
Classe du dehors, balades contées, yoga…
D’espaces connotés négativement, les terrils sont devenus, au fil du temps, des lieux attrayants, qui accueillent des publics et activités de plus en plus variés, constatent nos deux guides. Outre des visites guidées, ils hébergent des team-buildings, des classes pratiquant l’école du dehors, des animations nature, des balades contées jusqu’au soleil couchant, du yoga, des trails… Bref, un endroit propice à une bouffée d’air et d’ErE (éducation relative à l’environnement) en altitude.
(1) Formation organisée à Couillet en 2024-2025, de sept. à juin, 1 soir par sem. et quelques samedis.
(2) www.facebook.com/ambassadeurs.terrils. Balades guidées, programmées et à la demande.
Photo : ©Leslie Artamonow – Visit Charleroi