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Un caillou noir chargé d’histoire(s)

Un caillou noir chargé d’histoire(s)

Un caillou noir chargé d’histoire(s)

Septembre 2024, par Sophie Lebrun
Un article du magazine Symbioses n°141 : Les friches, riche terrain éducatif


Au Sparkoh!, ancien charbonnage reconverti en complexe de découverte des sciences, les écoles peuvent se plonger dans le passé minier du Borinage, au fil d’animations ou de balades sur le terril.

 


A l’entrée, un bâtiment à l’architecture singulière pique la curiosité : un panneau précise qu’il s’agissait d’un silo à charbon. Mais, à elles seules, les silhouettes plus familières d’un terril et d’un châssis à molette l’indiquent d’emblée : on est là dans un ancien charbonnage. En l’occurrence celui de Crachet-Picquery, à Frameries dans le Borinage, qui a fermé ses portes en 1960. En 2000, le site a entamé une toute nouvelle vie, comme en témoignent les édifices contemporains de l’architecte Jean Nouvel qui s’insèrent dans le patrimoine industriel. Le bruit incessant, la poussière noire et le travail harassant liés à l’activité minière semblent loin. Désormais, ce sont des ribambelles d’enfants et de familles, en quête d’expositions interactives et d'activités ludo-péda-gogiques, qui animent le site, dédié à la découverte des sciences. Bienvenue au Sparkoh! (référence à Science park et à spark, l’étincelle, avec le oh! d’émerveillement).

Parmi les multiples animations thématiques proposées aux écoles (1), quelques-unes invitent à découvrir le passé minier et ses traces. C’est le cas du parcours Moi et la vie d’autrefois (élèves de M3, P1 et P2), rythmé par trois animations. Elles se déroulent dans le bâtiment où arrivait jadis le charbon fraîchement extrait, puis en extérieur, sur le terril. « Cela va intéresser les élèves », se réjouit Joëlle Binon, institutrice en 1ère primaire à l’école communale des Trieux, à Carnières. Les vestiges miniers qui parsèment la région intriguent les enfants : « Ils me demandent souvent à quoi ça servait. »

Un fil(on) conducteur : le charbon

Tout commence par un récit. Ornella Collura, animatrice, dévoile une « vieille lettre retrouvée dans un grenier », écrite par un enfant qui pourrait être leur arrière-grand-père. Salvatore, 7 ans, y raconte la vie quotidienne dans un coron (2) : l’eau que l’on fait chauffer sur la cuisinière au charbon (dans la seule pièce chauffée de la maison), le bain hebdomadaire, le potager, le passage du laitier, la fête du village, etc. Les élèves découvrent des objets d’époque. Une bouilloire, une cruche en fer, un pot à lait, un savon dur dans sa boîte, un moulin à café manuel (qui suscite un « Waouh ! » émerveillé), des jeux de croquet et de palets (plus loin, ils découvriront qu’en guise de luge pour dévaler le terril, on utilisait un… plat à tarte). Ils les comparent à ceux qu’ils utilisent aujourd’hui, en notant au passage que certains objets et usages anciens, plus durables, sont à nouveau au goût du jour. « Chouette animation, commente Joëlle Binon : c’est le récit d’un petit garçon, c’est ancré dans le quotidien, et les enfants ont pu tester les jeux anciens. En plus, la comparaison entre objets anciens et récents est une compétence à développer en éveil historique, de même que le fait de se situer dans sa famille, parmi les générations. »

Dans la seconde animation, les élèves vont en savoir plus sur ce charbon qui, jadis, servait à se chauffer, cuisiner et faire fonctionner des machines et des locomotives. De là, l’animatrice leur expliquera ce que sont un charbonnage et un terril. L’activité démarre, ici encore, par une histoire. Il y a 800 ans, un enfant découvre une étrange pierre noire. Elle lui raconte d’où elle vient (de végétaux, dégradés au fil de millions d’années), sa spécificité (« je fournis plus de chaleur et je brûle plus longtemps que le bois ») et l’endroit où on la trouve (sous la terre, à plusieurs dizaines ou centaines de mètres, en creusant encore et encore). Au passage, les élèves apprennent à distinguer ce charbon de terre (brillant, dur et compact) du charbon de bois.

Au travers d’objets (outils, équipements…) et d’extraits de films d’époque, ils et elles découvrent ensuite le travail des mineurs, en ce compris ses aspects très pénibles et dangereux – et le fait qu’il concernait aussi des enfants. Tout en contraste avec le terril du Crachet qu’on aperçoit par la fenêtre. L’ancien tas de résidus miniers s’est en effet mué, au fil des années, en paisible colline verdoyante ; et la voie ferroviaire qui reliait les charbonnages est devenue un chemin de mobilité douce (RAVeL).

Le terril, terrain d’aventures et d’apprentissages

« On va monter sur la montagne, là ?! », s’écrie un élève, grimé en Indien par Cédric Boukhari, l’animateur qui prend le relais l’après-midi. Une balade sur un terril présente, indéniablement, un petit goût d’aventure et de défi, vu la nature insolite du lieu et la grimpette qu’il promet – ici 70 mètres de dénivelé. Les classes optent souvent pour le raccourci par la pente forte, « la version sportive », note l'animateur. Mais ce n’est pas tout : « En chemin, on va observer des fleurs et des bestioles, on va goûter, toucher et sentir des plantes sauvages, et bricoler », annonce-t-il aux élèves de Carnières.

L’émerveillement opère dès les abords du RAVeL et le premier sentier du terril, malgré la pluie drue qui s’est invitée. Les élèves hument la « plante à pizza » (l’origan), et la tanaisie « dont les insectes détestent l’odeur ». Ils découvrent que la fleur jaune du millepertuis, écrasée, émet un suc rouge – de quoi étoffer leur palette de couleurs pour esquisser un dessin. Ils fabriquent aussi un parfum nature, en pressant quelques feuilles et fleurs dans un filtre à café. Mais comment ces plantes sont-elles arrivées là, sur ce tas de pierres ? C’est le moment d’observer les graines de pissenlit, qui utilisent le vent pour se disséminer, et celles du plaque-madame, qui s’accrochent aux poils des animaux. Plus loin, l’animateur attirera l’attention sur des feuilles en décomposition, qui aident les plantes à pousser ; et sur les racines des plantes, qui stabilisent le terril.

D’autres surprises sont au menu de la balade : recherche de fossiles, ascension, observation du paysage à 360°, et de zones de sol rouge (zones de combustion) où poussent des plantes étonnantes. Mais tout cela, ce sera, malheureusement, pour une autre fois : trempée de la tête aux pieds, la classe déclare forfait et rebrousse chemin vers le Sparkoh!. La journée aura déjà été riche en découvertes, en histoires et en couleurs contrastées.


 (1) Autour du corps humain, de l’énergie, de la chimie, de l’eau, de la biodiversité, du numérique… www.sparkoh.be/animations
(2) Ensemble d'habitations identiques construites pour les mineurs dans le nord de la France et le sud de la Belgique.

 

Symbioses 141

Photo : ©Stephen Vincke

La balade sur le terril est une mine d’apprentissages pour les élèves de tous âges.

©Thomas Jean

Photo : ©SPARKOH!

Les élèves plus âgés (P3 à S6)  peuvent, eux aussi, opter pour une balade-animation sur le terril, adaptée à chaque âge et mêlant des notions et compétences d’histoire, de géographie et de sciences, ou plus spécifiquement axée sur la lecture du paysage. A compléter, par exemple, par la petite expo Le grenier des histoires, qui évoque le travail et la vie au charbonnage. Ou par Energie, les nouveaux rêves (en faisant le lien entre combustibles fossiles et dérèglements climatiques). Un carnet de mission est proposé pour la visite de cette expo.

Dans nos pages S’entourer (pp.33-35), on trouvera également d’autres organismes proposant des animations sur la mine et/ou le terril. Et, dans nos pages S’outiller (pp.30-32), des outils pédagogiques inspirants pour aborder un terril ou un autre type de friche.

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